Guernesey, 12 avril [18]68, dimanche, 7 h. du matin
Cher adoré, je t’aime. Voilà mon oraison dominicaine et pascalea. J’ai passé une très bonne nuit que je t’offre en échange de la tienne. J’espère que mon intrusion chez toi ne te causera pas trop d’embêtement pendant l’absence de Suzanne [1]. J’aurais voulu pouvoir t’épargner tout cet aria [2]. Malheureusement cela n’est pas possible. Tout ce que je pouvais faire à l’aide de ma petite Thérèse [3], c’était de me suffire à moi-même. Je te remercie de n’avoir pas consenti à cet arrangement qui aurait rompu le plus doux charme de ma vie, celui de notre charmant petit dîner intime et quotidien. Je sais bien que ce bonheur n’est que transitoire et qu’il me faudra le rendre un jour ou l’autre à ta famille. Raison de plus pour n’en pas perdre une goutte sans une impérieuse et absolue nécessité. Donc je veux profiter de tous les instants et de toutes les occasions que le bon Dieu et toi me donnez et je vous en remercie tous les deux avec adoration.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 104
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « Pasquale ».