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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er décembre 1840

1er décembre [1840], mardi soir, 6 h. ½

Je ne sais pas si c’est à cause de l’anniversaire de notre retour à Paris [1], mon bien-aimé, que je suis triste comme un bonnet de nuit mais j’ai déjà pleuré deux ou trois fois depuis tantôt sans pouvoir me retenir. J’ai quelque chose en moi de malheureux que je ne peux pas définir. Je voudrais être morte cela définirait bien des tristesses obscures, bien des inquiétudes latentes et bien des chagrins cachés qui sont pour moi à l’état d’énigmea. Je t’aime plus que jamais je ne t’ai aimé. Tu es bon, tu es beau, tu es ravissant et plein de douceur. Que me manque-t-il donc ? Vraiment je n’en sais rien mais je sais que j’ai des moments de découragement que je ne suis pas maîtresse de réprimer. Pardonne-moi, mon bien-aimé, car je t’aime de toute mon âme et c’est peut-être là la cause de mon chagrin. Je pense avec désespoir que tous les jours me font plus vieille de tout ce que tu rajeunis ; bientôt je n’oserai plus me regarder ni te regarder dans la crainte de devenir folle de jalousie. Ce ne sont pas des bêtises que je te dis là quoique je te le dise d’une manière bête. Ce que je sens au fond du cœur c’est comme un pressentiment que tu m’aimes moins qu’autrefois et que bientôt tu ne m’aimeras plus du tout. Je sens cela plus que je ne puis l’exprimer et surtout l’expliquer et voilà pourquoi j’ai des moments de désespoir atroces. Je t’aime mon Victor adoré, je [t’adore ?]. Je me suis aperçueb que j’avais pris une feuille simple pour une double tout à l’heure ce qui me force à t’écrire en deux morceaux. Je vais tout à l’heure faire mes comptes du mois dernier, je te prie de ne pas t’effrayer si la dépense te paraît énorme et de penser que notre réinstallation et les provisions d’hiver en sont un peu la cause. Je ferai aussi le compte du mois d’août qui n’a pas été fait, je ne le pense pas du moins. Jour Toto, je vous aime mon cher amour ravissant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 193-194
Transcription de Chantal Brière

a) « égnime ».
b) « apperçu ».

Notes

[1Hugo et Juliette sont rentrés du voyage de deux mois qui les a conduits sur les bords du Rhin le 1er novembre.

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