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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 février [1840], samedi après-midi, 1 h.

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré. J’espérais bien que tu viendrais cette nuit mais tu m’as passé devant le nez comme tous les bonheurs que je souhaite et qui ne m’arriventa pas. Je vais tout à l’heure copier les beaux vers [1] que j’ai obtenus presque de force cette nuit et c’est certain que si je n’avais pas si fort et si longtemps insisté, non seulement je ne les aurais pas eusb mais encore je ne les aurais pas entendus ; il est bien triste pour moi de savoir que je suis moins privilégiée que le premier de tes amis. C’est une triste comparaison et qui m’amène rien moins que la preuve de ton refroidissement pour moi. Autrefois tu n’aurais pas lu à Boulanger des vers sur toi, c’est-à-dire tout ce qui peut me toucher le plus, tout ce que je peux comprendre le mieux, tout ce qui préoccupec mon cœur jour et nuit, tu ne les aurais pas lus, dis-je, avant de me les avoir donnés. Maintenant tu m’isolesd de ton génie comme de ta personne, je n’obtiens la faveur d’entendre de tes vers que quand le hasard te force à les écrire chez moi et que j’ai le courage de t’importuner jusqu’à ce que tu me les lisese absolument comme tu le ferais pour Mme Guérard ou Pierceau. En vérité c’est bien triste et bien amerf pour moi. Quand je pense qu’il y a d’admirables vers sur toi, sur ton enfance, que tout le monde connaît, dont on parle tous les jours et je n’en sais pas un mot et que c’est par hasard que j’ai appris leur existence. En vérité cela dégoûte de l’amour, de la fidélité et du dévouement. Je suis triste, triste et cependant tu m’as donnég des vers admirables mais… tu sais combien j’ai raison.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 164-165
Transcription de Chantal Brière

a) « m’arrive ».
b) « eu ».
c) « préocupe ».
d) « m’isole ».
e) « lise ».
f) « amère ».
g) « donnés ».


15 février [1840], samedi soir, 5 h. ½

Je suis toujours triste de te quitter, mon adoré, il me semble toujours que c’est ma vie et ma joie qui s’en vonta de moi. J’ai le cœur gros de ton absence, je souffre, je suis malheureuse comme si je devais être un jour sans te voir.
J’ai encore trouvé M. Desmousseaux chez Mme Pierceau, il paraît que la pièce de Scribe est toujours accrochée. Du reste nous avons très peu parlé, je n’étais pas en train et il est parti presque tout de suite. Oui, mon cher bijou, si vous voulez vous faire pardonner votre mauvais procédé envers moi, c’est de me donner le manuscrit des fameux vers de La maman de papa [2] sinon je serai triste et je vous garderai rancune éternellement. Baisez-moi et ne lisez plus rien à personne auparavant de me l’avoir lu à moi. L’admiration des autres ne doit passer qu’après la MIENNE, du moins c’est ainsi que vous devriez le sentir si vous m’aimiez seulement le quart de ce que je vous aime, vieux vilain. Je vous écris à la lueur d’un clair de lune magnifique : j’aimerais mieux vous baiser et la regarder avec vous à travers les branches d’arbres des Champs-Élysées, mais vous ne me comprenez plus dans vos promenades à présent. Moins vous me voyez et moins vous voulez me voir. Moi, c’est tout le contraire parce que je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 166-167
Transcription de Chantal Brière

a) « va ».

Notes

[1Poèmes du recueil Les Rayons et les Ombres.

[2A élucider.

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