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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 juin 1874

Paris, 7 juin [18]74, dimanche, 8 h. du matin

Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour, joie et bonheur si ta nuit a été bonne pour toi et pour tes chers petits-enfants. Je pense que tu as déjà pris la clef des champs, la clef des amourettes [1], car l’une ne va guère sans l’autre ; quant à moi, je suis la cul-de-jatte du sentiment. Je t’aime à poste fixe, je ne sors pas de là. Je n’ai pas encore eu de nouvelles de Petit Georges, mais j’ai tout lieu de croire qu’il va bien, car il dort encore à ce que dit Mary. Jeanne elle-même n’est pas encore éveillée, ce qui est un bon signe de santé. Pour moi, je ne veille ni ne dors, je souffle et je sue, voilà ma vie. Cette chaleur m’accable sans me tuer, car j’ai la vie trop dure pour cela, mais je n’en vaux guère mieux. Je ne reprends courage que pour t’aimer. Hors de là tout m’est impossible. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime et puis voilà.

BnF, Mss, NAF 16395, f. 102
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation de la fin de la section XIX de L’Archipel de la Manche, qui n’est pas encore publié, mais déjà écrit : « [L]e Français sentait poindre en lui cet épaississement du deuil intérieur qui commence la nostalgie ; il regardait, il écoutait ; pas un rayon ; des cormorans en chasse, des nuages en fuite ; partout sur l’horizon une pesanteur de plomb ; un vaste rideau livide tombant du zénith ; le spectre du spleen dans le linceul des tempêtes ; rien nulle part qui ressemblât à l’espérance, et rien qui ressemblât à la patrie ; le Français songeait, de plus en plus assombri ; tout à coup il releva la tête ; une voix sortait d’une des chaumières entr’ouvertes, une voix claire, fraîche, délicate, une voix d’enfant, et cette voix chantait : « La clef des champs, la clef des bois, / La clef des amourettes ! »

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