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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 février [1840], mercredi, midi ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon amour. Vous voyez l’heure à laquelle je vous écris et vous savez l’heure à laquelle vous m’avez quittée ? Je ne me suis pas levée trop tard et cependant j’ai employéa tout mon temps depuis et je n’ai pas encore déjeunéb et je ne suis pas coiffée. Je n’ai pas voulu te promettre d’être prête à sortir à midi parce que je savais bien que je ne le pourrais pas sans me gêner beaucoup et qu’en somme ce n’est pas beaucoup la peine de déranger toutes ses habitudes pour rien car je suis sûre que tu ne serais pas venu me chercher malgré tes promesses et précisément à cause d’elles. C’est ce soir que ma fille vient, j’ai vu à ton air hier que tu ne voulais pas nous mener à aucun théâtre aussi je vais la prévenir tout de suite afinc qu’elle ne se fasse pas de douces illusions. Pendant que j’y pense, il faut que je te dise que tu oublies complètement le cadeau de Mme Krafft et la robe de Cologne. Je sais qu’il est impossible qu’il n’en soit pas ainsi mais je te le rappelle pour la forme seulement et non pour la mémoire. Dans quinze jours tu seras débarrassé d’une façon ou d’une autre. Ma seule crainte est qu’il ne meure plusieurs académiciens [1] coup sur coup et l’un après l’autre, ce qui rendrait ta position et la mienne hideusesd. Enfin il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher et accepter la candidature infiniment prolongée que Dieu nous envoie. Je t’aime, aime-moi et fichons-nous de ça.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 130-131
Transcription de Chantal Brière

a) « emploié ».
b) « déjeuner ».
c) « à fin ».
d) « hideuse ».


5 février [1840], mercredi soir, 5h. ½

Voici la nuit et la pluie et ma péronnelle [2] n’est pas encore arrivée ce qui me donne à penser qu’elle est en retenue. Ce sera la suite des plaisirs intérieurs qui se succèdent chez moi avec une variété uniforme et ennuyeusea.
Vous avez beau faire et beau dire, mon Toto, vous ne me fâcherez pas car je suis de très bonne humeur et très GEAIE. Ainsi vous perdez votre temps et vos peines à vouloir m’en faire, vous n’y réussirez pas, c’est un parti pris chez moi. Décidément ma fille est en pénitence. Au reste on aurait pu commuer la peine en l’envoyant à la maison, cela n’aurait été que changer de prison. Enfin à la volonté de Dieu et surtout des maîtresses. Je suis bien fâchée, mon Toto, que tu aies eu besoin de tes gants tout de suite. Mais en y réfléchissant j’aime autant n’avoir pas contribué pour ma part à vous faire beau pour d’autres que pour moi. Car je n’ai pas été la dupe de la prétendue lessive de Didine et j’ai bien vu que c’est parce que vous allez dîner en ville et en soirée que vous avez emporté les gants sales avec les propres. Une autre foisb vous trouverez une autre ruse pour me donner le change, celle-ci n’étant pas bonne.
Baisez-moi, mon Toto, et tâchez de m’aimer. Je fais des vœux bien ardents pour que vous soyez nommé de l’Académie cette fois [3] car je finis par commencer à en avoir plein le dos de tout mon cœur. Sacristie que c’est embêtant. Mais je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 132-133
Transcription de Chantal Brière

a) « ennuieuse ».
b) « autrefois ».

Notes

[1Hugo est candidat à l’Académie française.

[2Il s’agit de sa fille Claire Pradier.

[3Hugo est candidat à l’Académie française.

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