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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 novembre [1837], lundi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon petit homme adoré. Je vous écris debout et habillée avec le frisson et le mal de cœur d’avoir été éveillée au moment où j’étais le plus en train de dormir, mais j’espère rattraper le temps perdu demain et dans vos bras. Encore je te demande pardon mon cher petit homme de la lettre assez maussade que je t’ai écrite hier au soir. J’avais bien du regret de te la laisser emporter [1] après t’avoir trouvé si doux et si caressant. Je m’en voulais ne n’avoir pas prévu que tu serais ainsi. Une autre fois cela n’arrivera plus parce que je serai toujours très bonne et que je ne grognerai plus jamais.
J’ai toujours cette diable d’affaire dans la tête. Je crains plus que jamais qu’il ne soit question de moi. Je donnerais tout au monde pour qu’elle fût finie et pour qu’elle ait un bon résultat. Pauvre bien-aimé, tu dois être bien tourmenté de ton côté aussi. Je me promets de mettre toute ma patience et tout mon courage à ta disposition tout le temps que durera cette ridicule affaire [2]. Jour mon bien-aimé, jour. Je t’aime. Je voudrais bien déjeuner avec vous. Voilà mon ambition. C’est-y bien triminel ? Je vous adore qu’on vous dit, et je baise vos mains et vos pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 101-102
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


27 novembre [1837], lundi soir, 5 h.

Mon cher petit bien-aimé. Je vais prendre un bain. Je me sens un peu fatiguée de mes reins et puis l’occasion qui s’est présentée et j’en profite.
Pauvre bien-aimé, tu parais aussi bien absorbé et bien préoccupé de cet ignoble procès. Pour moi je ne peux pas te dire à quel point je suis indignée de leur audace [3]. Je crois que si tu perds un seul des avantages qui te sont si légitimement acquis j’en ferais une maladie de colère. Que sera-ce donc si la chose que nous craignons arrive ? Oh ! alors il faudra que je tue un sociétaire ou avocat [4] pour me calmer un peu la bilea.
Mais tout cela ne m’empêche pas de m’inquiéter du portrait sur lequel on a fait des vers. D’abord ce n’était qu’une esquisse au crayon, maintenant c’est un portrait en pied ni plus ni moins que celui de l’éléphant broutant l’herbe. Qu’est-ce que ça veut dire et pour qui donc ce portrait ? Quoique vous soyez très occupé mon cher petit homme, j’espère que vous me donnerezb une explication satisfaisante de ce nouveau portrait sur toile [5].
Je ne pourrai jamais vous aimer plus qu’à présent mais je voudrais bien être moins jalouse car je me fais beaucoup de mal.
À bientôt n’est-ce pas ? Je vais me mettre au bain et me coucher immédiatement car je ne pourrai pas faire de feu ce soir dans ma chambre. Soir pa. Je t’aime mon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 103-104
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « bille ».
b) « donniez ».

Notes

[1À cette époque, Juliette ne poste pas ses lettres : elle les dépose chez elle dans une boîte dédiée à cet effet et Hugo les relève quand il vient la voir.

[2Juliette fait allusion au procès en appel entre la Comédie-Française et Victor Hugo (voir les lettres précédentes).

[3La Comédie-Française a fait appel de la décision de la Cour de Commerce de la Seine en faveur de Victor Hugo dans le procès qu’il a intenté.

[4Allusion à Desmousseaux et à Delangle.

[5Le portrait auquel Juliette fait allusion demeure énigmatique et n’a pu être retrouvé.

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