Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Novembre > 26

26 novembre [1837], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher petit homme bien aimé. Comment vas-tu ce matin ? M’aimes-tu ? En attendant ta réponse je me fais de tristes prophéties mais je ne veux pas recommencer à t’ennuyera. C’est bien assez quand tu es avec moi et que je ne peux pas me retenir. Je vais me lever tout à l’heure pour faire mes affaires et être prête à partir quand tu viendras me prendre. J’ai si peu dormi dans la nuit et d’un si mauvais sommeil que je suis épuisée de fatigue ce matin. Voilà mes insomnies de l’hiver passé revenues. C’est peu amusant, surtout quand comme moi on couche toujours SEULE. Je voudrais bien que cet appel fût passé. Ce serait si ennuyeuxb de perdre un seul considérant [1] que la crainte seule m’est insupportable. Il me semble toujours que cela dépend de toi et que si tu veux bien nous remporterons une seconde victoire aussi éclatante que la première [2], ce qui serait fièrement amusant pour moi. Je vous aime mon petit homme. Je vous aime de toute mon âme quoique je sois très méchante et que vous soyez très bon. Je pense bien à vous, allez, et surtout la nuit quand vous travaillez. Je voudrais mettre mes yeux à la place des vôtres pour les soulager, quitte à vous les rendre après, cher petit coquet. Je vous aime tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 97-98
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « t’ennuier ».
b) « ennuieux ».


26 novembre [1837], dimanche soir, 10 h. ½

Eh ! bien, mon cher petit homme, est-ce que vous ne viendrez encore ce soir qu’à minuit ? Et vous voudrez que je sois gaie, et vous voudrez que j’aie la figure riante. Je ferai ce que je pourrai mais je ne vous le promets pas. Mme Pierceau m’a conté quelques petites histoires de là-bas [3], je te les redirai si tu viens de bonne heure. Ce serait d’autant plus nécessaire que tu vinsses de bonne heure que demain les fumistes [4] ont fait prévenir qu’ils seraient chez moi à 8 h. du matin. Jour ou non. Et tu sais comment j’ai passé la nuit dernière. Plus je me rappelle ton air en me quittant, et plus je suis convaincue que tu étais de mauvaise humeur. Pourquoi ? Je le saurai peut-être ce soir. En attendant je cherche. Il serait bon que je puisse, les jours où tu es maussade sans raison, me dispenser de t’écrire car je ne sais vraiment comment faire pour trouver des mots assez insignifiants pour ne pas te choquer… Voilà déjà plusieurs fois que je veux t’en demander la permission. Pour moi je voudrais ne t’écrire que lorsque j’aurai la faculté pleine et entière de te dire que je t’aime, comment je t’aime et combien je t’aime. En attendant et pour n’en pas perdre l’habitude, je soupire et je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 99-100
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Allusion à la formule anaphorique que l’on rencontre dans la liste des points pris en compte dans un verdict rendu.

[2Hugo a gagné son procès contre la Comédie-Française. Le verdict a été rendu par la Cour de Commerce de la Seine le 20 novembre, suite à quoi le théâtre a fait appel. L’affaire sera de nouveau plaidée le 5 décembre devant la Cour royale de Paris.

[3À élucider.

[4Ouvriers chargés de l’entretien de la cheminée.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne