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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mai 1852

Bruxelles, 18 mai 1852, mardi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon ravissant bien aimé, bonjour mon grand petit homme, bonjour. Tu as bien fait de ne pas aller au souper de Dumas et je t’en remercie de tout mon cœur pour ta santé qui n’a rien à gagner à ces plaisirs nocturnes et pour ma tranquillité qui s’inquiète de tout et de bien autre chose. Merci, mon Victor, merci mon amour. Pauvre adoré bien aimé, j’entrevois pour toi bien des embarras et bien des ennuis, mais tu apportes tant de sérénité, de patience, de douceur, de force et de grandeur d’âme dans ces luttes multipliées avec la mauvaise fortune que je t’admire encore plus que je ne te plains. Tu ne peux pas savoir toi-même, mon sublime bien-aimé, tout ce que cette dignité simple, cette résignation calme ajoute de charme, de noblesse et de grandeur à toute ton adorable personne. Je voudrais être toi pour te louer comme tu le mérites. Moi je ne sais que balbutier mon admiration et t’aimer de toutes les forces de mon âme. Mon ambition, mon rêve, mon bonheur serait de te servir et de mourir pour toi et les tiens. Mon inutilité me désespère et m’humilie à un point que je n’ose pas dire et, souvent, le découragement s’empare de moi quand je pense que je ne pourrai jamais me dévouer de fait pour toi, dont je baise avec vénération la trace de tes pas. Je tâche de combler cette lacune à force d’amour, mais je n’y parviens pas au gré de mon désir. Mon Victor bien- aimé, mon adoré petit homme, mon cœur se fond en pensant à toi. Je voudrais inventer des mots qui n’ont jamais servi à personne pour t’exprimer un amour que jamais personne n’a ressenti aussi profond, aussi passionné, aussi pur et aussi dévoué que le mien. Je ne trouve que ce mot banal : je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 43-44
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 18 mai 1852, mardi matin, 11 h. ½

J’ai oublié de te demander hier de la nouvelle copie de sorte que je vais être à court tout à l’heure, mon bon petit homme, ce qui ne veut pas dire désœuvrée car j’ai mes nippes à raccommoder, mais je préfère aller les coudes percés et les talons aussi et copire vos admirables gribouillis. Chacun son goût. Je ne vous demande pas quand vous viendrez et si vous me ferez sortir aujourd’hui parce que vous n’en savez probablement rien vous-même, mais je vous prie bien fort de venir dès que vous pourrez vous échapper car je suis bien impatiente et bien désireuse de vous contempler dans toute votre majesté et surtout de vous baiser dans toute votre splendeur. Je vous envoie un second gilet de flanelle et un caleçon que vous voudrez bien mettre demain matin, jour de la blanchisseuse. Je vous envoie en même temps de la poudre que je ne vous jette pas aux yeux ; enfin je vous envoie tout mon cœur que je vous jette à la tête et mon âme que je mets sous vos pieds. Faites de tout cela le meilleur usage possible et venez vite m’en accuser réception. Comment vas-tu mon amour adoré ? Je charge Suzanne de s’en informer auprès de toi si tu es tout à fait seul. En attendant son retour je fais des vœux pour que tu sois le mieux portant et le plus heureux des Toto, sans préjudice de celui qui est resté à Paris. Mon Victor aimé, mon Victor admiré, mon Victor adoré je vous baise depuis votre pôle arctique jusqu’à votre pôle antarctique.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 45-46
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

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