2 juillet 1881

Paris, 2 juillet 1881, samedi matin, 7 h. ½

Cher bien-aimé, je voudrais bien être sûre que tu as passé une bonne nuit mais j’en doute à en juger par la mienne. Heureusement que tu as la matinée pour te rabibocher. Moi je n’ai que les petites tracasseries du ménage compliquées du désir de te donner le compte détaillé du mois de juillet. Depuis hier je suis occupée de cela et je n’ai pas encore fini. Car il s’agit de transcrire sur une feuille volante tout ce qui est écrit sur mes livres, y compris l’argent que j’ai reçu. Enfin je tâcherai, si ma pauvre caboche n’est pas trop fatiguée, de te rendre mes comptes aujourd’hui. Et à ce propos, je te fais penser que, outre l’argent de la maison aujourd’hui, tu as [à] ajouter encore les 205 F.des gages du mois. Ceci dit, j’aurai à te porter différentes lettres dont il faut que tu prennes connaissance, entr’autres^a celle d’Emmanuel des Essarts qui te supplie de demander pour lui la Croix à Jules Ferry. Il rappelle tout ce qu’il a fait pour la mériter, y compris son patriotisme militant. Tout cela me paraît absolument juste, du moment qu’on donne des croi, il doit en avoir une de préférence à beaucoup d’autres qui ne le valent pas. Cher adoré, j’ai été empêchée hier pour ma restitus mais tu vois que je prends ma revanche ce matin avant tout autre chose. Il y a séance dans le local n^o 7 à une heure et séance publique à deux heures au Sénat. À toi de faire ce qui te plaira de ce renseignement. Quant à moi, je me tiendrai prête à tout événement, dussé-je^b en crever de chaleur. En attendant je me dépêche de t’assommer de tendresses pendant que tu dors, ce qui te sera plus facile à supporter qu’au réveil. Je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 145-146
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « entr’autre ».
b) « dussai-je ».