Paris, 18 janvier [18]72, jeudi matin, 10 h. ¼
Bonjour, mon grand et vénéré adoré, bonjour. Je baise une à une toutes les déchirures de ton cœur en priant Dieu d’atténuer les plus cuisantes. Je lui demande de me donner la force de t’aider à porter jusqu’au bout ta lourde croix. Je lui demande, surtout, de me donner ce qui manque à ma nature, hélas ! c’est-à-dire la douceur infinie sans laquelle le dévouement le plus absolu reste inefficace. Depuis avant-hier, mon pauvre sublime martyr, j’ai le cœur navré en pensant au nouveau coup qui vient de te frapper [1] et je pleure sans pouvoir me retenir. Dieu, qui t’a donné le génie, te fait expier cruellement cette faveur en remplissant ta vie de toutes les douleurs de l’humanité. Mon bien-aimé vénéré adoré, je te prie de me dire en quoi je peux te servir. Tout ce que tu voudras que je fasse, je m’y emploierai de tout mon cœur et de toutes mes forces. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 16
Transcription de Guy Rosa
[Souchon, Massin]