Paris, 10 août 1881, mercredi matin, 10 h.
Cher bien-aimé, j’espère ne pas me tromper en croyant que tu as passé les deux tiers de la nuit très bien. Quant à présent tua dors si profondément que c’est une joie pour moi de le voir. La pauvre Mme Lockroy est toujours dans le même état et les piqûres de morphineb n’agissant presque plus, elle a passé une terrible nuit. Le médecin vient de venir, il a débridé le dernier abcès et en a constaté un autre en train de se former. Il dit qu’il n’y a rien autre chose à faire pour le moment. Heureusement que, malgré ses grandes douleurs, l’appétit n’a pas disparu, ce qui maintient ses forces en équilibrec. Georges et Jeanne reviendrontd aujourd’hui de chez Mme Ménard assez à temps pour dîner avec nous.
Le temps, très noir et très froid ce matin, paraît tourner à l’aigre, ce qui écourterait de beaucoup la saison d’été. Enfin, mon cher grand bien-aimé, je ne vois rien de bien gaie en ce moment si ce n’est que je t’aime, que je te souris, que je t’adore et que je te bénis. Puisses-tu ressentir la même chose pour moi dans ton for intérieur, avec quel bonheur et quelle reconnaissance j’en remercierais le bon Dieu !
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 183
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « du »
b) « morphines ».
c) « équilibres ».
d) « reviendrons ».
e) « gaie ».