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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 septembre [1841], mercredi soir, 7 h. ¾

Il est probable, mon cher petit Chinois [1], que vous êtes à Saint-Prix [2] et que j’en serai pour mon encensoir, mes joyaux GROENLANDAISa, mes babouches d’or, mon vase et mon bonheur au moins d’ici à demain soir ? Hélas ! j’en ai plus peur qu’envie, ce qui ne me met pas beaucoup de baumeb dans mes épinards et ne me fait pas rire, je vous l’assure. J’aimerais mieux pas du tout de groenlandaisa à mon mur et un peu plus de votre groin sur mon museau. Je suis flouée, vexée et attristée au-delà de toute expression. Claire est alléec chez son père, voici bientôt une heure qu’elle est partie [3]. Suzanne est allée chez la mère Pierceau sans la trouver, ainsi que chez la marchande de modes. On dirait que ces deux affreuses péronnelles se sont donné le mot pour faire [votter/vatter  ?] cette infortunée servarde qui n’a pas trop de jambes ni trop de temps à perdre.
Vous ne m’avez pas dit, affreux bonhomme, s’il fallait copier ce que vous avez écrit sur la Suisse, de sorte que je me contente d’en mettre jusque sur mes babines, quitte à me lécher les barbes après [4]. Tiens tant pire pour vous, c’est pas à moi à faire la chatte vertueuse mais c’est à vous à serrer votre LAID. Jour, vilain monstre, tu n’auras tes dessins [5] et ta culotte que lorsque tu seras revenu et que tu m’auras apporté tout ce qui m’appartient. En attendant, je te déteste à ma façon.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 205-206
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « GROËLENDAIS » et « groëlendais ».
b) « beaume ».
c) « allé ».

Notes

[1Juliette appelle souvent Hugo ainsi car il éprouve un intérêt tout particulier pour la Chine. Il en parle dans ses œuvres, collectionne aussi chez lui de nombreux objets.

[2Pendant l’été 1841, les Hugo ont loué à Saint-Prix, dans le Val-d’Oise, un appartement meublé de la mi-juin à la mi-octobre, et le poète y passe du temps de juillet à octobre pour terminer la rédaction du Rhin.

[3Voir James Pradier. Claire va parfois rendre visite à son père dans son atelier de la rue de l’Abbaye, en général accompagnée de Mme Lanvin.

[4À ce moment, Hugo se consacre à la rédaction des lettres de voyage du Rhin. Il s’agit ici des lettres du Tome III, souvenirs du voyage de 1839 en Alsace, Rhénanie, Suisse et Provence.

[5Juliette aime agrémenter ses lettres de petits dessins représentant ses humeurs ou des anecdotes du jour. Or on a appris, le vendredi après-midi précédent, que Hugo lui a demandé de lui faire « des images ».

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