Paris, 29 oct[obre] [18]79, mercredi matin, 8 h.
Je t’envoie un bonjour tendre, mon grand bien-aimé, mais il ne dépend pas de moi de te l’envoyer gai parce que, quoi que je fasse pour réagir, je subis l’influence de la triste saison de la nature et de la mienne.
Je vois avec un regret profond les devoirs et les obligations mondaines s’accroître chaque jour pour moi au fur et à mesure que mes forces diminuent. D’ailleurs je ne suis pas faite pour ces devoirs-là, je n’en aia pas pris l’habitude pendant les longues années de solitude heureuse que j’ai passéesb à te servir, à t’aimer et à t’adorer, et il est trop tard maintenant pour faire ce difficile apprentissage. « Trop chargé l’essieu casse. Le mur sans fondement s’écroule subito » [1]. C’est ce qui m’arrive aujourd’hui moins joyeusement, toutefoisc, qu’à ton prodigieux César de Bazan. J’ai un gros mal de tête, je suis tout à fait triste car je prévois beaucoup d’ennuis pour toi et pour moi qui aurais désiré te les épargner tous.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 259
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « n’en n’ai ».
b) « passé ».
c) « toute fois ».