29 juin [1841], mardi soir, 9 h. ¾
La mère Lanvin vient de s’en aller, cher adoré, et moi je t’écris du fond de mon âme que tu es mon beau, mon noble, mon sublime Toto de qui je baise les pieds. Je n’ai pas tari sur vous, mon amour, depuis que vous êtes parti, ainsi jugez de tout ce que j’ai pu dégoiser sur votre compte depuis tout ce temps-là. Mais c’est qu’aussi j’en avais long sans le large à dire, d’abord en tête le récit de la RÉCEPTION [1], la reprise d’Hernani [2], le dîner aux Marronniers [3], les vers sur le pauvre soldat aveugle [4], les séances de l’Académie, et enfin pour couronner toutes ces magnifiques choses le BRACELET RARE [5] !!! Ia ia monsire matame, che fous ai tonné de pons GOUS TE LANGUE. Si fous afiez égouté aux BORTES, fous en auriez entendu te pelles sur fotre gonde [6]. Chère âme, quand je parle de ta beauté rayonnante, de ta bonté divine, de ton esprit sublime, je ne taris pas, je parlerais six mois sans m’arrêter.
Je t’aime mon Victor bien-aimé, je t’adore mon petit homme chéri. Tâche de venir encore cette nuit mon amour. Je ne suis pas encore assez bien débouchée, vos services me sont encore utiles, ainsi vous ne pouvez vous refuser à ce que je vous demande. Baisez-moi, scélérat.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 301-302
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette