25 février [1841], jeudi matin, 11 h.
Bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher bien-aimé. Comment vas-tu ce matin ? Moi je viens de copier tout ce que tu m’as écrit sur les livres que tu m’as donnésa, et ce tout là c’est bien peu à en juger par la quantité. Je ne parle pas de la qualité parce que je n’ai pas d’expression suffisante pour dire ce que j’en pense. Je n’ai pas copié les anniversaires du livre rouge [1], j’attendrai que tu me dises si tu les veux. Du reste, tous les vers que j’ai qui sont inédits, tous les portefeuilles et tous les albums ont été copiésb et tu as les copies chez toi. Cependant, si tu veux je te les recopierai une seconde fois. J’ai la certitude que le livre de Sainte-Beuve [2] n’est pas dans mon armoire puisque tous les livres viennent d’en être retirés et que je les ai regardésc tous les uns après les autres. Plus que jamais je suis sûre de n’avoir pas eu ce volume à la maison. Je tiens à constater ce fait parce que jamais il n’a été perdu une feuille de papier chez moi depuis huit ans, à plus forte raison un livre qui parle de vous [3]. Sur ce, baisez-moi, mon amour, et revenez bien vite auprès de moi. Je vous aime et je vous désire de toutes mes forces.
C’est dimanche encore un anniversaire, celui-là est le père aux autres et je voudrais bien le fêter double [4]. Malheureusement, j’ai besoin de votre concours pour cela et je crains bien de n’avoir qu’à tourner mes pouces pour toute réjouissance. Vous êtes un vieux durd à cuire qui n’entendez pas culotte à aucune sauce que celle de la raison, ce qui n’est pas la meilleure. Celle de l’amour vaut mieux.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 181-182
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « donné ».
b) « copié ».
c) « regardé ».
d) « dure ».
25 février [1841], jeudi soir, 10 h.
Vous direz ce que vous voudrez, scélérat de Toto, mais vous aurez demain 39 ans ! Il n’y a pas de nivôse ni de ventôse qui tienne, vous aurez 39 ANS demain. Je ne sais pas au juste à quelle heure mais je suis sûre du jour, ça me suffit. Aussi demain, coûte que coûte, je vous le souhaiterai bon et heureux votre anniversaire de 39 ANS, accompagnéa de infiniment d’autres à la queue leu leu.
La mère Lanvin est venue m’apporter les reconnaissances renouveléesb, cela se montait à 92 F. 7 sous mais je lui ai laissé les 13 sous d’appoint pour son omnibus [5]. Elle t’a apporté en même temps un gros tas de caricatures de l’Empire et de la Restauration en te priant de choisir celles qui te plairaient [6]. Il va sans dire que ce procédé de la mère Lanvin te coûtera un volume de quelque chose mais je ne le regrette pas, attendu que c’est un moyen de nous acquitter de tous les bons services qu’elle nous rend. Elle doit aller chez M. Pradier un de ces jours, il paraît que l’époque n’est pas encore venue [7]. Quant à moi il me semble, par le désir que j’ai que cet arriéré soit payé, qu’il y a très longtemps qu’elle est passée. Enfin il faut espérerc que cela ne tardera pas maintenant.
Ce qui tarde toujours trop c’est vous, affreux bonhomme. Vous venez tard et vous vous en allez tout de suite, ce qui constitue un bonheur excessivement mitigé. Tâchez cependant de venir bientôt car je vous désire autant que je vous aime.
BnF, Mss, NAF 16344, f. 183-184
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « acompagné ».
b) « renouvellées ».
c) « espéré ».