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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1836

27 mars [1836], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour mon grand bien-aimé, je vous aime. Je me retrouve dans ce mot-là, parce que je n’ai pas assez d’esprit pour vous dire les admirables compliments que vous méritez, quoique je sente autant et mieux que personne toute votre sublime nature. Je regrette moins mon insuffisance en pensant à tous les esprits intelligents (et il y en a beaucoup) qui jalousent votre triomphe avec des paroles dignes de votre nouveau succès.
Moi, je t’aime, c’est ma partie à moi dans ce grand concert de louanges. J’espère que ton âme distinguera ma petite voix dans ce grand chœur.
Bonjour mon Toto chéri, vous avez dû bien dormir ; vous aviez emporté tout ce qu’il fallait pour faire de doux songes : de la gloire et de l’amour. J’espère bien te voir aujourd’hui très tôt malgré tous vos admirateurs. J’ai besoin de vous embrasser, dussé-je pour cela monter l’échelle de Jacob jusqu’au dernier échelon. Si grand que vous soyez, j’ai de l’amour plus que par-dessus votre tête.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 237
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Guimbaud]


27 mars [1836], dimanche soir, 7 h. ¾

C’est à peine si j’ose te dire ce soir que je t’aime : je me trouve humiliée, même dans mon amour car toutes ces femmes me paraissent autant de rivales préférées. Je souffre. Je ne t’accuse pas de cela, mais je souffre encore plus ce soir, qu’à l’ordinaire… Je n’ai pas osé te demander ce que tu avais écrit à la lettre à Mme Dorval. J’ai craint de trouver là encore quelques sujets d’amertume et de jalousie et je me suis tue.
Mon cher bijou, vous êtes bien heureux vous, vous n’êtes pas jaloux, vous n’êtes en concurrence avec aucune célébrité, car il n’y a pas d’autre célébrité que la vôtre et vous êtes bien sûr que je vous aime avec le cœur. Tandis que moi, je ne suis sûre que d’une chose, c’est que je vous aime trop pour être jamais aimée également, et puis je sens bien que je n’aurai jamais la force de soulever LA GRANDE PIERRE PLATE sous laquelle on a mis mon intelligence.
Pardonne-moi, je suis triste, je suis plus que triste, je suis honteuse de moi-même, je suis jalouse. Je suis bête et je suis amoureuse en conséquence.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 238-239
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Guimbaud]

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