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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 3 novembre [18]63, mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, amour, paix et bonheur à toi, je t’adore. Si tu as passé une good nuit je t’en offre autant et si tu te portes bien j’en suis encore. Je viens de me faire arracher la peau par Suzanne avec un courage héroïque digne de ta férocité. Malheureusement cela n’empêche pas la pluie de tomber et la tempête de souffler avec furie. Je le déplore pour toi, mon pauvre petit homme, que cela empêche de sortir autant qu’il le faudrait. Il faudra bien pourtant que tout ce vacarme s’apaisea et que le ciel se sèche, mais je voudrais que ce fût tout de suite. En attendant tu multipliesb les beautés et les splendeurs chez moi à ce point que je n’oserai bientôt plus y habiter, ce palais étant plus fait pour une jeune fée que pour une pauvre vieille femme comme moi. Je me figure que cette merveille [créée  ?] par toi sera notre habitation dans le paradis, transfigurée, mais non plus belle qu’elle ne l’est en ce moment. Dès à présent j’en fais le temple de mon amour dans lequel je t’adorerai à tous les instants de ma vie. Tu en seras tout à la fois l’architecte et le Dieu. J’ai le cœur si plein que je crains de le laisser déborder dans des phrases dont je ne connais pas les limites, mais je t’aime, je t’aime, je t’aime plus que ma vie. Ton pauvre petit Toto doit bien s’impatienter d’être retenu malgré lui à Jersey par cet affreux temps. Je le plains dans l’âme et je plains encore plus peut-être ceux ou celles qui souffrent de son absence. Cela me prouve une fois de plus qu’il ne faut pas se séparer quand on s’aime. Quant à moi, j’en fais ma règle de conduite, c’est-à-dire de bonheur, c’est-à-dire la condition même de mon existence. Je veux vivre, t’aimer et mourir près de toi, voilà mon SINE QUA NON. Attrapez ce latin-là en passant et faites-en votre profit.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 244
Transcription de Gérard Pouchain


a) « appaise ».
b) « multiplie ».

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