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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 2 novembre [18]63, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, sois béni. Puissesa-tu avoir aujourd’hui des nouvelles selon ton cœur et l’arrivée de ton brave petit Victor [1]. Il me semble que la mer est assez bonne, malgré le vent et la pluie, ce qui lui permettra de venir ce matin je l’espère. Mais comment as-tu passé la nuit, mon pauvre bien-aimé ? C’est là ce que je voudrais savoir pour régler la joie ou la tristesse de mon cœur ce matin. En attendant que tu m’apportes toi-même tes chères nouvelles, je t’aime avec un redoublement de tendresse et d’adoration. Suzanne est à la messe et reviendra probablement ici avec ta Marie car c’est le jour du compte aujourd’hui. Pauvre femme, quelle haine elle inspire à ton entourage ! Je ne sais pas ce qu’elle est au fond, et personne, je crois, n’en sait plus long que toi et moi probablement, mais on ne recule devant aucune supposition les plus perverses et les plus noires pour arriver au but de la perdre dans ton esprit. Quelle effrayanteb coalition dans cette haine en apparence sans fondement et sans raison ! Chaque fois qu’elle se reproduit sous mes yeux j’en suis vraiment épouvantée comme pour mon propre compte. Du reste tu laisses prendre peu à peu et par une bonté ineffable des familiarités à Kesler qui finissent par devenir choquantes au dernier point. Je crois que, dans son intérêt même, tu devrais couper court à ce laisser-aller de paroles et d’allures avec toi afin d’éviter tôt ou tard une explosion de colère ou d’impatience que tu ne pourrais pas retenir. Je te dis tout cela comme je le pense, mon doux adoré, et sans avoir la prétention de te donner un conseil, ce qui serait plus outrecuidant encore que les façons de Kesler parce que je t’aime avec une vénération égale à mon admiration et à ma tendresse et que mon âme se sent blessée de tout ce qui semble un oubli et un manque du respect profond que tout le monde te doit quelle qu’enc soit la forme. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 243
Transcription de Gérard Pouchain


a) « puisse ».
b) « effrante ».
c) « quelqu’en ».

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