Guernesey, 1er novembre [18]63, dimanche matin, 8 h. ½
Bonjour, vous, bonjour, toi, bonjour, mon cher petit homme, bonjour, les yeux encore pleins de sommeil. Quelle nuit ! Quelle nuit !! Quelle nuit !!! Il y a longtemps que je ne m’en suis payéa une de cette longueur, de cette largeur et de cette profondeur : DIX HEURES CUBES de pionçage, cela se trouve rarement sous l’oreiller d’une Juju, aussi ai-je pris la balle au bond avec ardeur. Mais toi, mon doux adoré, toi, comment as-tu passé la nuit ? Depuis quelque temps il t’arrive d’avoir de l’agitation et de l’insomnie et tu dors mal. Est-ce que cela a été comme cela cette nuit ? J’espère que non et que je n’aurai pas à me reprocher d’avoir dormi sans toi. Du reste la tempête continue et je crois que tu n’auras pas de packet [1] aujourd’hui comme tu le désires à cause des TAS de lettres plus ou moins oiseuses. Quant à moi je n’attends que celle qui m’annoncera l’arrivée des Bretons, à moins que ce temps ne les effraye et ne leur fasse remettre à plus tard leur visite peu opportune en ce moment [2]. Il n’est pas jusqu’à la femme de chambre que j’ajournerais volontiers quelque temps à cause du chaos complet de mes deux maisons. Cependant je ne lui donnerai aucun contrordre et si elle vient je la prendrai. Cher, cher adoré, je voudrais avoir mille bouchesb pour te dire combien je t’aime, je voudrais pouvoir me dévouer à toi jour et nuit, je voudrais pouvoir mettre mon âme dans ton âme pour que tu sentes mieux mon adoration. Je voudrais être tout pour toi comme tu es tout pour moi. Je voudrais mourir dans un de tes baisers. Je voudrais le ciel et la terre pour y mettre mon amour.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 242
Transcription de Gérard Pouchain
a) « payée ».
b) « bouche ».