Guernesey, 16 juillet [18]67, mardi, 7 h. du m[atin]
Bonjour, mon grand, grand, grand bien-aimé. Bonjour, je t’adore. Tu vois que je t’ai obéi en dormant toute la nuit comme une souche. Mais toi, mon cher petit homme, comment a été ta nuit et depuis combien de temps es-tu levé ? En attendant ta réponse, j’espère que tu as bien dormi et longtemps. Le temps, sans être beau, commence à se rasséréner un peu et il est probable que nous aurons une bonne traversée demain. Il faudrait que la mer fût tout à fait impossible pour ne pas partir à cause de ta fête [1] dont tes amis veulent faire un Pâques nouveau aussi saint que le premier. Quant à moi, je me tiendrai prête, dussé-je avaler la mer d’un seul coup. Voilà qui est bien convenu. Demain nous partons à moins d’une vraie tempête.
Ton cousin et ses jeunes amies [2] ont eu une fière chance de te trouver chez toi quand tu aurais dû en être parti [3]. Mais leur petit courage et leur grand enthousiasme méritaient bien cela et tu as eu raison de les en récompenser par une hospitalité charmante comme toi seul peux et saisa le faire. Le bon Le Ber a été bien doux et bien patient sous les picoteries malicieuses et coquettes de ces trois rieuses petites fillesc et moi, j’ai profité de toutes ces frivolités féminines pour t’adorer de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 189
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « comme toi seul peut et sait ».
b) « ses trois rieuses petites filles ».