Guernesey, 28 novembre 1862, vendredi soir, 7 h. ¾
J’ai la superstition de la restitus, mon cher bien-aimé, aussi n’est-ce jamais qu’à mon cœur défendant que je suis un jour sans la faire. Aujourd’hui j’ai beau être courbaturée, échinée et sur les dents par les laborieuses et stériles recherches de tes manuscrits hypothétiques, je ne veux pas que la journée s’achève sans t’avoir écrit ce mot sacramentel qui contient toute mon âme : Je t’aime. Et ce n’est pas seulement sur le papier que je l’écris, tant bien que mal, c’est encore et surtout dans le grand livre du bon Dieu que je le signe à tous les instants de ma vie et tu en retrouveras les traces semées dans l’espace par moi quand tu quitteras la terre pour le ciel. En attendant, je te demande pardon pour ce griffonnage exténué et je te supplie de croire qu’il n’y a rien à toi chez moi que mon amour dont tu n’as que faire pour continuer tes divins chefs-d’oeuvre.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 253
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa