Guernesey, 17 mars 1862, lundi matin, 8 h.
Bonjour ; mon cher bien-aimé, bonjour de tout mon cœur. Comment vas-tu ce matin ; mon cher petit homme ? As-tu bien dormi ? Tout est-il à souhait dans ta santé, dans ta vie et dans ton âme ? Si cela en est ainsi j’en suis ravie et je ne demande rien de plus au bon Dieu que la continuation de ce doux état physique et moral. De mon côté, mon cher bien-aimé, je vais on ne peut pas mieux et j’ai dormi toute la nuit, aussi je suis toute disposée à faire ce que tu voudras tantôt en tant que promenade. Bien entendu que cela ne dérangera pas l’heure de Mme Chenay et puis, si tu m’en croyais, j’irais payer Mme Duverdier. Ce serait une fois faite pour toutes et nous n’y penserions plus. Il serait utile encore que nous allassions à la ville pour mes lunettes car celles que j’ai en ce moment ne tiennent pas et me fatiguent les yeux. En même temps je ferais une station chez Beghin car je n’ai plus de chaussures ni de peignes, ni de brosse à dents, choses essentielles et dont la privation n’est pas sans inconvénient pour la santé et pour la propreté. Mais quelle stupide restitus ! Je n’en fais jamais d’autre. Mais aussi c’est ta faute car tu n’as jamais le temps de rien entendre de moi de sorte que pour te prévenir ou pour te demander quelque chose je suis obligée de te l’écrire au risque de n’avoir plus la place où te baiser [1].
BnF, Mss, NAF 16383, f. 69
Transcription de Marie Legret assistée de Florence Naugrette