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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 décembre [1844], samedi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour mon adoré petit Toto bonjour mon aimé chéri comment vas-tu ce matin ? Est-ce que ta pauvre tête travaille et écrita toujours ? Est-ce que tu ne te reposeras jamais ? Voilà plus d’un an que je te vois sans cesse travailler sans une minute de relâche. Pauvre adoré il me semble que tu dois être au bout de tes forces et de ton courage et cependant tu ne t’arrêtes pas. Pourvu que cela ne finisse pas par te faire du mal, c’est tout ce que je demande au bon Dieu. Je lui demande bien encore autres choses mais comme il faut ton concours pour qu’elles se fassent je ne compte pas sur elles et je fais bien. Aime-moi, mon Toto, car je t’aime de toute mon âme, moi.
Je n’aurai pas besoin de sortir aujourd’hui. Claire m’a fait dire que Mme Marre viendra chez moi de très bonne heure. Il faut donc que je me hâte de faire faire ma chambre pour y installer du feu pour quand cette dame viendra. Clairette a fait la jardinière de Mme Luthereau plus un bel œillet rouge pour M. de Férol dans le cas où je jugerais convenable de le lui envoyer. Ce sera toi qui déciderasb cette grosse question. Il y a encore un très joli bouquet d’œillets pour toi. Malheureusement je crois que c’est tout ce qu’elle aura pu faire cette année. Si elle avait voulu suivre mon conseil elle ne se trouverait pas aussi à court aujourd’hui. Il est vrai qu’elle n’aurait pas eu tous les mois le bonheur de nous apporter quelque chose. En somme la chère enfant nous aime et elle travaille beaucoup. C’est tout ce que nous pouvons désirer d’elle pour le moment. La raison viendra plus tard.
En attendant, mon Toto adoré, je vous aime à la folie, ce qui n’est pas d’un très bon exemple. Je vous désire et je vous attends. Me voilà revenue de ma promenade. Le bon Dieu ne veut pas décidément que je sorte. Que sa volonté soit faite et les maux de tête aussi mais je ne l’en remercie pas mieux non plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 199-200
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « écris ».
b) « décidera ».


28 décembre [1844], samedi soir, 11 h.

Je te remercie, mon cher petit bien-aimé d’être venu me chercher ce soir pour faire tes provisions. Seulement comme l’appétit vient en mangeant j’aurais voulu que notre promenade ne finisse jamais, quitte à manger toute la boulangerie viennoise en route. Je suis tout de même très contente. J’espère que ma Péronnelle [1] le sera aussi. MÂTIN quel parapluie ! Fichtre de nom d’un chien quel chic ! [2]
En rentrant ce soir chez moi j’y ai trouvé la mère Lanvin qui venait me demander si le jardinier pourrait voir le jardin pour me dire d’avance ce qu’il coûterait à faire arranger. Je lui ai dit qu’elle pouvait l’envoyer et que je ferais prévenir la portière. De cette façon nous pourrons voir ce que nous aurons à décider au sujet de ce parc, non aux cerfs [3] ; en même temps elle a emporté le parapluie de Claire pour faire graver son chiffre, c’est-à-dire son nom, sur la petite plaque en vermeil qui est au manche. Je n’ai pas refusé, attendu que cela ne me coûtera rien ni à elle non plus. Voilà ce qui m’a décidée. Ai-je bien fait, mon Toto ?
Cher petit bien-aimé, je vous adore. Vous êtes très gentil de m’avoir fait marcher. Cela m’a fait du bien à la tête. Vous devriez venir me chercher encore demain encore après demain et encore les autres jours. Ça serait très gentil et très higyénique. Je ne sais pas où se place l’y ou l’i de ce mot-là : vous le mettrez où vous voudrez, pourvu que ce ne soit pas dans ma soupe. Baisez-moi, mon petit bien-aimé adoré et apportez-moi tout de SUITE DEUX NOTRE-DAME ILLUSTRÉES ET RELIÉES [4] et je crierai de toutes mes forces : vive Toto ! Vive le grand Toto !!!

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 201-202
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[2Au cours de cette promenade, Juliette aura enfin acheté le parapluie destiné à Claire pour ses étrennes de janvier 1844 et dont l’acquisition était sans cesse reportée, faute d’argent.

[3Le Parc aux Cerfs était un quartier de Versailles abritant, sous Louis XV, une maison de plaisir où il recevait ses maîtresses. L’expression « Parc aux Cerfs » désigne ensuite un lupanar.

[4Juliette veut un exemplaire de l’édition Furne (1840) illustré de Notre-Dame de Paris pour elle, et un autre pour son amie Mme Luthereau.

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