Guernesey, 3 avril [18]63, vendredi, midi ¾
Merci, mon cher petit homme, merci pour moi, merci pour toi, merci pour la communauté du bon petit plat de seakalea [1] que tu m’as envoyé par Marie [2]. Nous les mangerons demain quoique [ce] soit encore carême mais notre orthodoxie n’en perdra pas un coup de dent pour cela au contraire ce qui sera cause que nous serons tous damnés à la même sauce, quel bonheur ! Mais aussi quel beau temps et quel dommage de n’en pas profiter pour excursionner. Il est vrai que les soirées et les matinées sont encore assez froides. Cependant si tu veux voyager pendant l’absence de ta femme [3] tu ferais bien de te préparer dès à présent car les semaines passent vite et le temps encore plus vite. J’ai beau me dépêcher je suis tous les jours en retard ; aujourd’hui encore je me croyais en avance et je m’aperçois que j’ai encore tout à faire chez moi avant d’être prête à sortir à trois heures. Quelle éternelle et sempiternelle ravaudeuse je fais. Je m’en veux et de ma ganacherie et de ma stupidité à la [illis.] sans compter que ce soir il faudra que je dîne plus tôt que de coutume pour laisser Suzanne courir à sa dévotion. Cette frénésie de bigoterie ne s’était jamais produite jusqu’à présent et il n’a fallu rien moins que l’entraînement de ta SERVENTRE [4] pour la débaucher à ce point. J’espère que cela finira avec Pâques, en attendant je me prête à la circonstance et je fais de nécessité vertu. Heureusement que tu es là pour me faire trouver tout bien, tout beau et tout bon car je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 86
Transcription de Chantal Brière
a) « sea-keal ».