Guernesey, 12 novembre 1858, vendredi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon bon petit bien-aimé, bonjour, santé et bonheur à toi et à tous ceux que tu aimes. Il fait un temps à souhait pour tes voyageurs [1] ce matin et il faudra qu’ils aient un bien mauvais cœur ou un fichu estomac pour ne pas faire les honneurs d’une belle traversée à ce brave océan qui de sa furie furieuse a fait une bonace [2] tout exprès pour eux ce matin. Maintenant que les voilà presque partis, ces bons hôtes amis et éditeur, il va falloir PIOCHER d’arrache-plume tous les deux pour tâcher d’arriver en février prochain. Quant à moi, je suis prête et ce ne sera pas la faute de mon assiduité, de mon courage et de mon [illis.] si je ne parviens pas à faire ma tâche en temps et heure. De ton côté, mon bien-aimé, il ne faut pas me laisser chômer de COPIRE. Tout à l’heure, je vais emplir mon courrier et renouveler mes plumes à cette intention. En attendant que tu viennes, je vais me dépêcher de me mettre en ordre, moi et ma maison. Et puis je t’aime sans désemparer depuis un bout de mon âme à l’autre bout de mon cœur et de toutes mes forces.
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 320
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
Guernesey, 12 [3] novembre, vendredi soir, 5 h. ½
J’espère que je ne te l’ai pas fait dire, mon cher bien-aimé, et que c’est bien d’abondance et irrésistiblement que Quesnard s’est répandu en admiration et en enthousiasme sur toutes les belles choses que tu as faites, inventées, créées et fait exécuter. Quant à moi, mon adoré, c’est plus que de l’admiration que j’éprouve devant toutes ces merveilles de ta pensée et de ton art, c’est de l’amour, de la reconnaissance et du bonheur. Voilà déjà bien des fois que je te le répète sans satisfaire complètement le besoin de mon cœur qui ne peut pas se lasser de t’aimer, de te vénérer et de t’adorer, comme le meilleur, le plus généreux et le plus grand des hommes. Dès que tu m’auras donné à COPIRE, je n’aurai plus rien à désirer que toi-même sans cesse, toujours et partout. En attendant que tu viennes, je te baise de l’âme.
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 321
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette