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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 juin 1836

7 juin [1836], mardi matin, 7 h. ½

Puisque je ne peux pas dormir, mon cher adoré, puisque je vous aime et que je pense à vous avec amour jusque dans mon sommeil, il est bien juste que je vous écrive des bonnes tendresses de cœur et d’âme.
Je t’aime, mon Victor bien-aimé. Je le répète dans mon cœur comme je le fais sur le papier. J’ai de plus le bonheur de t’admirer là comme je n’ose pas le faire extérieurement car ce que je sens ressemble à l’admiration qu’on aurait pour Dieu s’il se montrait à vous dans toute sa splendeur et dans toute sa majesté. Je suis très bornée pour te dire que je t’aime quoique mon amour soit infini. Mais je n’ai ni esprit ni orthographea. Avec cela, on ne va pas bien loin sur le papier. Mais avec l’amour, on va jusqu’au fond de la vie. Je t’aime, mon cher adoré.
Hier, presqu’aussitôt que tu as été parti, j’ai cru entendre des cris lointains dans la direction de la rue Saint-Louis. Ce que j’ai ressenti d’angoisse et d’effroi en pensant que ce pouvait être ta voix ne peutb pas se décrire. J’ai besoin de te voir. Je te vois bientôt pour être tout à fait rassurée et pour être la plus heureuse femme de la terre.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 134-135
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « ortographe ».
b) « peux ».


7 juin, mardi soir, 4 h. ½

Cher ange bien-aimé, je suis la plus heureuse et la plus joyeuse femme de la terre.
Tu vas venir me chercher bientôt, nous allons passer la soirée ensemble et nous avons tout un mois de bonheur très prochain devant nous. Je suis bien heureuse, oh bien heureuse. Tu penses bien que nous ferons ce que tu voudras. Si tu aimes mieux aller souper, je le préfère. Tout ce que tu voudras, je le veux d’avance, être avec toi, respirer avec toi, me mirer dans toi, voilà ce que je veux, le reste, c’est du LUXE.
Je ne sais pas pourquoi les yeux et la tête me font mal, mais j’y vois à peine. Je ne suis pourtant pas si vieille : j’ai 26 [1] ansb. Aussi je suis encore dans la FLEUR de l’âge. On n’a pas le droit de me couvrir d’infirmitésc avant le temps.
Je t’aime, voilà le fait. Si tu ne t’en es pas encore aperçud, eh bien je te déclare ma passion : Toto, je vous aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 136-137
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « vielle ».
b) « 26 ans » souligné 2 fois.
c) « infirmitées ».
d) « apperçu ».

Notes

[1En réalité, Juliette a alors 30 ans. Coquetterie féminine sans doute.

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