30 septembre 1858

Guernesey, 30 septembre 1858, jeudi matin, 7 h. ^½

Bonjour, mon bien-aimé petit homme ; bonjour, comment va le bobo ce matin ? J’espère n’avoir plus besoin bientôt de te faire cette question quotidienne ; car, malgré toutes les lenteurs et tous les retards, le mieux marche et il faudra bien qu’il arrive à la guérison complète. Du reste, il m’a semblé que tu t’es couché un peu tard hier car j’ai vu de la lumière après onze heures dans l’atelier, ce qui prouve que tu ne dormais pas. Ce n’est pas le cas de te plaindre, car il est évident que tu ne m’as quittée si tôt que pour aller prendre part aux divertissements de ton groupe, ce qui est en effet plus attrayant que de rester avec une pauvre femme qui n’a pas d’autre joyeuseté que son vieux et éternel amour pour toi. Cela peut avoir son utilité à l’occasion peut-être mais à coup sûr cela n’est jamais bien amusant, donc tu as bien fait de me planter là surtout si ton plaisir n’a pas été pris aux dépends de ta santé ! J’ai rendu hier l’argent du nique [1], ou la part que leur en revenait, aux Marquands qui m’ont paru très contents de cette solution. Me voici débarrassée de cette comptabilité et de ce dépôt inutile. Mon avis serait de ne plus recommencer cette thésaurisation illusoire et de nous borner à jouer purement et simplement et même de ne pas jouer du tout si cela te plaît mieux car pourvu que je t’aime, j’ai toujours partie gagnée.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 277.
Transcription d’Anne-Sophie Lancel, assistée de Florence Naugrette