Guernesey, 17 septembre 1858, vendredi matin, 7 h.
Bonjour, mon bon petit homme ; bonjour, toi, que j’aime ; bonjour vous, que j’adore ; bonjour. Comment as-tu passé la nuit, mon pauvre bien-aimé ? Ton cataplasme a-t-il encore produit le même effet désagréable et agaçant de la nuit dernière ? J’ai grand peur que oui vu la chaleur d’orage qu’il faisait hier au soir. Pauvre bien-aimé, quel supplice que le tien depuis plus de trois mois ! mais aussi quelle patience et quel courage tu montres pendant ces longues souffrances dont une seule, qui ne durerait qu’une heure, ferait pousser des cris de douleur à la première personne venue qui l’éprouverait. J’espère pourtant que c’est bien la dernière fois que ton stoïcisme est mis à l’épreuve et que d’ici à trois ou quatre jours tu seras rentré en pleine et entière santé. Jusque-là, il faut aller tout doucement et user de la position horizontale le plus possible. Pour changer mon éternel rabâchage, qui n’a pas même le don de t’ennuyer puisque tu les ignores, je te dirai que tes ouvriers sont exacts à l’heure le matin et qu’à sept heures sonnant, on les voit ouvrir les fenêtres de la galerie. J’espère que leur ponctualité ne se borne pas à cela seulement et qu’ils te font du TRÂVA [1] en conséquence. Quant à moi, je t’aime avec toute l’activité de mon cœur, de ma vie et de mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 264
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette