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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 octobre [1844], vendredi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour, bonjour, mon doux ami, mon ravissant petit bien-aimé, bonjour. Pauvre adoré, je te demande pardon si je t’ai mécontenté cette nuit en insistant pour ce malheureux vieillard. En y réfléchissant, je sens bien que tu ne peux pas faire davantage et que la mauvaise chance de ce pauvre vieux bonhomme l’emporte sur ton obligeance. Ce n’est pas ta faute ni la sienne et ce qu’il y a de mieux à faire c’est de se résigner.
Je t’attends, mon Victor chéri, j’ai besoin de te voir, j’ai besoin de te baiser après une grande nuit d’absence. Il y a en moi un trop plein d’amour que je voudrais exhalera par tous les pores. Tâche de venir, mon cher petit homme, tu me rendras bien heureuse.
J’ai là une lettre dont je ne reconnais pas l’écriture. Je t’attends pour l’ouvrir. Tu me diras aussi ce qu’il faudra que je fasse venir de bois. Ces gens ne finissent pas de déménager et il est probable qu’ils garderont l’appartement jusqu’au mois de janvier, ce qui nous entraînerait nous-mêmes à n’entrer dans le nouveau logement qu’au mois de février. Tu verras à décider la question du bail.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Et le feuilleton d’Eulalie ? Vous voyez bien que vous êtes un scélérat. Vous l’aurez oublié, c’est à dire perdu. Heureusement qu’elle vous adore, qui est-ce qui ne vous adore pas ? et qu’elle s’empressera de trouver cela charmant. Mais si par malheur c’était moi qui avaisb fait ce tour-là, il n’y aurait pas assez de cabinets de lecture pour réparer le désastrec. Voilà la justice distributive des femmes entre elles. Voime, voime, c’est charmant.

Juliette

BnF, Mss, NAF1 6356, f. 285-286
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « exaler ».
b) « ait ».
c) « désasastre ».


25 octobre [1844], vendredi soir, 8 h. ½

Je t’écris bien tard, mon Toto chéri. La faute en est à Mme Marre qui m’a retenue deux heures au moment où j’allais t’écrire. Mais ce que j’ai dans le cœur ne se perd pas pour attendre et je retrouve mon amour aussi entier, aussi passionné, aussi admiratif, aussi tendre et aussi dévoué à une heure qu’à l’autre. Pauvre ange, je te parle de mon dévouement comme s’il m’avait été donné de pouvoir te le prouver tandis que c’est moi au contraire qui use du tien à tout propos et toujours. Hélas ! il est peu probable que je sois jamais à même de te prouver mon dévouement autrement qu’en amour. Cependant, Dieu sait que le plus beau jour de ma vie serait celui où je pourrais la donner pour toi et pour les tiens. Crois-le bien, mon Victor, car c’est la vérité. Si je ne sentais pas en moi cette reconnaissance et ce dévouement ardent, je n’oserais pas accepter le tien comme je le fais, sois en bien sûr, mon cher bien-aimé.
Cher adoré, tu m’as promis de revenir bien vite et je crois en ta promesse. Je t’attends avec une tendre impatience, tâche que je ne t’attende pas trop longtemps et tu me rendras bien heureuse.
Le temps est bien vilain et je pense qu’il ne serait pas très raisonnable à toi de marcher au milieu de la boue et sous la pluie. Arrange-toi pour venir auprès de moi, mon doux ami. Je te promets de respecter ton travail si tu te sens en train de travailler, mais au moins je te verrai et je serai bien heureuse. En attendant, je pense à toi et je t’aime de toutes mes forces et de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 287-288
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

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