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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 octobre [1844], jeudi matin, 11 h.

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon ravisant, mon toujours plus aimé Toto, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu ce matin ? Voilà un bien vilain temps pour toi, pauvre adoré que le travail oblige à marcher. Je crains surtout pour tes chers petits pieds. Je ne sais pas jusqu’à quel point tes souliers peuvent remplacer des bottes ? Mais ce que je sais c’est qu’il est très important pour ta santé que tu n’aies pas les pieds humides. N’oubliea pas cela mon bien-aimé.
J’espère que tu viendras chercher ton parapluie avant d’aller à l’Académie. C’est la seule chance que j’aie de te voir avant ce soir et j’en rends grâce à la nature. Depuis que j’ai vu cette admirable médaille [1], je suis la plus malheureuse des femmes. C’est la première fois, du reste, que je sens mon ESCLAVAGE avec autant d’amertume. Car, enfin, si j’étais ma maîtresse, rien ne m’empêcherait de posséder cette ravissante médaille et cela sans porter aucun préjudice à personne, pas même à moi. Décidément, je suis très malheureuse. J’ai besoin de regarder souvent mon cher petit buste [2] pour ne pas pousser d’affreux cris. La pauvre Chichi est bien malheureuse. Taisez-vous, sans cœur, je ne veux pas que vous vous moquiez de moi. C’est bien assez que vous me chargiez de chaînes sans insulter à ma misère. Taisez-vous, taisez-vous, ou je vous… embrasse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 233-234
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « oublies ».


10 octobre [1844], jeudi soir, 4 h. ¾

J’ai envoyé chez Barbedienne, mon adoré, mais Suzanne n’est pas encore de retour. Dans mon impatience, je t’écris pour me faire trouver le temps moins long. Ô mon Dieu, pourvu que je l’aie cette médaille [3] ravissante ! Depuis que j’ai entrevu la possibilité de l’avoir, il me semble que mon chagrin sera encore plus grand qu’auparavant si je ne l’ai pas. Mon Dieu, que cette fille est lente ! Quel malheur d’avoir besoin de pareilles jambes dans des occasions comme celle-ci. J’aurais déjà fait le trajet dix fois depuis qu’elle est partie. Que le diable l’emporte ou la pousse d’un coup de son pied fourchu jusqu’au milieu de ma chambre pourvu que ce soit avec la médaille désirée. Justement la voici. Hélas ! … mon Victor, ne te fâche pas, mon Victor, j’embrasse tes genoux, mon Victor, je serai raisonnable tout le reste de ma vie mais laisse-moi rajouter 15 F. à la somme que tu m’as votée. Mon Victor, je n’ai pas le temps de t’attendre et pourtant j’ai peur de te fâcher. Ô non, tu es trop bon pour te fâcher contre la pauvre Juju qui t’aime d’un amour si complet, si pieux, si admiratif et si dévoué. Tu souriras de ton doux et ineffable sourire et tu diras que j’ai bien fait. N’est-ce pas que j’ai bien fait ? Oui, j’ai bien fait. Vive Toto ! Quel bonheur ! Juju a beaucoup d’esprit…..a dans son cœur. Oui, oui, c’est vrai. Et je suis la plus heureuse des femmes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 235-236
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]

a) Juliette ponctue de cinq points.

Notes

[1Portrait de Victor Hugo.

[2Buste de Victor Hugo dont Juliette a récemment fait l’acquisition.

[3Portrait de Victor Hugo que Juliette voudrait acquérir.

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