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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mars 1845

15 mars [1845], samedi, midi

Merci, mon Toto bien aimé, merci d’être revenu cette nuit, merci, tu m’as rendue bien heureuse. J’avais déjà fait de bien vilains rêves quand tu es venu, mais après ton départ, je n’en ai fait que des bons. Merci, mon Victor, car c’est grâce à toi.
C’est aujourd’hui que vient ma péronnelle. On s’en aperçoit du reste au temps qu’il fait. La neige tombe dru et sans relâche. Encore si cela pouvait amener le dégel ! On a monté aujourd’hui les derniers morceaux de bois de poêle. J’ai l’affreuse crainte d’en avoir besoin. Il est impossible même que je n’en envoie pas chercher. On dirait un fait exprès. Tout s’ajoute à ce déménagement si lourd, jusqu’à l’hiver qui se prolonge au-delà de toute prévision. Je ne peux pas te dire combien cela m’attriste. Encore si on voyait la fin de tous ces ennuis, mais ils semblent se multiplier à plaisir là où on ne les soupçonnait pas. Je crois que c’est tout cela qui m’échauffe le sang. Je ne peux pas avaler ma salive ce matin et mon oreille droite est très douloureuse. Je me suis gargarisée tout à l’heure. Tu vois du reste, mon cher amour, que je suis fidèle à ma manie d’imitation pour tout ce que tu as de mal. Cela ne va pas au-delà par exemple, mais c’est toujours cela. Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je suis encore plus bête que de coutume ce matin. Cela tient à mon mal : plains-moi, pardonne-moi et aime-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 191-192
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


15 mars [1845], samedi soir, 5 h.

Le mauvais temps t’empêche sans doute de sortir, mon amour ? Si cela est, je t’approuve. Tu fais très bien et j’en suis très contente. Oui, mon bien-aimé, contentea, car avant le bonheur de te voir, il y a celui de ne pas t’exposer à quelque mauvais rhume. Mais, hélas ! je doute fort que cette considération te retienne chez toi. Aussi je ne suis rien moins que rassurée et que résignée. Je ne fais cet effort héroïque, de résignation, que dans l’intérêt de ta santé. Autrement, je reprends toute mon impatience et toute mon exigenceb.
Comment vas-tu sérieusement, mon Toto, car voilà un temps qui entame tes meilleures santés ? Je ne sais pas dans quel état va me venir ma péronnelle. Probablement trempée jusqu’aux os. Il n’y a pas d’exemple, du reste, qu’elle soit venue une seule fois par le beau temps, soit en hiver, soit en été. Elle tient de Madame sa mère pour les bonnes chances. Cher bijou, je ne me plains pas si tu m’aimes et si je dois te voir tout à l’heure, au contraire. Je me regarderai comme la plus comblée et la plus heureuse des femmes. Vous voyez que cela dépend de vous. Tâchez de me donner ce que je vous demande de toutes les forces de mon âme et je vous sourirai, je vous porterai, je ferai tout ce que vous voudrez, si vous venez tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 193-194
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « contente » est souligné deux fois.
b) « exigeance ».

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