2 juin [1848], vendredi matin, 8 h.
Bonjour, mon pauvre griffouilleur, bonjour, mon pauvre esclave piocheur, bonjour, je t’aime et je baise ta chère petite bouche embabouinée [1]. Je pense que je suis un être très stupide, ce qui ne te surprendra pas, ni moi non plus, mais j’aurais dû hier accepter tout d’abord les exemplaires de ta profession de foi [2] que tu m’offrais. Il allait sans dire que je trouveraia à les placer, il suffisait seulement d’y réfléchir, chose qui n’est pas familière à ce qu’il paraît. Enfin, la nuit porte conseil, comme tu vois, et si je savais comment m’introduire chez toi, je t’aurais fait demander dès ce matin le plus de circulaires possible. D’abord je compte écrire à M. Cacheux à ce sujet. Ensuite dans mon entourage je suis sûre d’en placer beaucoup à gros intérêts. Malheureusement il faut que j’attende ton retour et peut-être d’ici là tu les auras tous donnés. Voilà ce qui me contrarie on ne peut pas davantage. Décidément je suis une bête beaucoup trop bête mais je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 207-208
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Blewer]
2 juin [1848], vendredi après-midi, 1 h. ½
Je suis comme le temps, c’est vous dire assez que je ne suis rien moins qu’aimable. Il est vrai que Gabrielle [3] l’est pour moi et que vous le lui rendez bien. Fichtre, quel empressement vous avez mis à répondre à cette Laurette hystérique et SANS OUVRAGE. Il n’est rien tel qu’un ex-Pair de France pour donner dans le premier panneau libidineux qu’on lui tend. Diable, mon cher monsieur affairé, je ne vous savais pas si facile à la correspondance. Si j’en juge d’après les lettres qui moisissent dans mon tiroir et dans les rares apparitions que vous faites chez moi, je vous aurais cru moins occupé de clichyennes [4] que d’élection et plus adonné à la profession de foi qu’aux billets doux. Je me suis trompée. Cela prouve ma naïveté, mais cela prouve aussi que si vous avez beaucoup d’empressement pour la première fille venue, vous n’en aveza pas du tout pour la pauvre femme qui vous adore et qui souffre de votre indifférence.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 209-210
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « vous n’en n’avez ».