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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 janvier [1848], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon doux et ravissant bien-aimé, bonjour, de tous mes yeux, de ma bouche, de mon cœur et de mon âme. Ma migraine est un peu calmée ce matin cependant j’ai encore les mains brûlantes et le cerveau bien embrouillé. J’espère que la journée dissipera tout cela. Je vais prendre un bain tout à l’heure et puis tantôt j’irai chez ce médecin. Peut-être cette consultation avec toi sera-t-elle illusoire car s’il se trompe sur ma maladie il te fera partager son erreur : voilà tout ce qui en résultera. Il est vrai qu’il y a le même inconvénient à craindre avec tous les autres médecins. Autant vaut s’en rapporter à celui-là qu’à un autre. Ce qu’il y a de bien sûr c’est que je t’aime de toutes mes forces et que je veux t’aimer le plus longtemps possible en chair et os. Voici une lettre de Mme Luthereau. La pauvre femme est sans doute impatiente de savoir ton opinion sur son projet de venir à Paris [1]. Je lui écrirai aujourd’hui même ce que tu en penses et j’espère la dissuader de faire cette démarche imprudente. En même temps j’écrirai à Mme Guérard pour la prévenir que je ne veux pas sous aucun prétexte aller avec elle au théâtre. Pour rien dans le monde je ne me priverai volontairement de te voir toute une soirée. Je lui ferai le sacrifice d’une heure ou deux c’est tout ce que je peux faire pour elle et ce n’est pas d’un grand cœur.

Juliette

MVH, 8038
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux


8 janvier [1848], samedi, midi ¾

Je sors du bain seulement à présent, mon Toto, non pas que j’y sois restée longtemps mais parce que le baigneur a beaucoup tardé. Je ne sais pas si je pourrai aller trouver le médecin tantôt cependant j’y ferai tout mon possible car je suis impatiente que tu saches enfin à quoi t’en tenir sur mes prétendues maladies. Quant à moi, je ne suis pas assez ingénue pour croire ce que vous voudrez bien me dire l’un et l’autre de la consultation. Il me suffit que tu sachesa le vrai de la chose. Le reste ne m’inquiète pas. J’ai tant de chose à faire d’ici là que je ne sais pas si j’aurai le temps d’y aller avant trois heures. Pense que je n’ai pas encore déjeuné. Il est vrai que Suzanne met le couvert. Je m’épêche, je m’épêche de vous dire des douces choses pour me livrer à une énorme bâfrerieb. J’ai une faim de chien, ce qui est bon signe. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime et je veux que vous m’aimiez de même. C’est une ambition que j’ai comme cela. Je crois que je suis capable de vivre jusqu’à la fin pour vous forcer à m’aimer jusque-là. On n’est pas plus féroce que cette Juju là : voime, voime, j’en conviens et je ne veux pas me corriger. Cela vous apprendra à vous frotter à des Juju de cette trempe-là. C’est bien fait.

MVH, 8039
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « sache ».
b) « baffrerie ».

Notes

[1Laure Luthereau, qui souhaiterait revendre à Paris des ouvrages appartenant à son époux – Jean Luthereau, imprimeur à Bruxelles –, sollicite l’avis de Victor Hugo sur son projet.

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