Paris, 3 avril [18]78, mercredi matin, 7 h. ½
J’espère pour toi, mon cher bien-aimé, que tu dors encore. Quant à moi, à l’exemple des petits déjeuners jaunes [1], je me suis réveillée à la piperette du jour [2] et je ne m’en trouve pas plus mal, au contraire. Et puis j’ai besoin de prendre les devants de bonne heure si je veux arriver à temps pour le déjeuner des ARTISTES : COSETTE, ÉPONINE, PETIT GERVAIS [3]. Il paraît que Georges et Jeanne en sont aussi tout affairés de leur côté, Jeanne surtout. J’espère que cette petite fête ne laissera rien à désirer à personne. Je guette en ce moment l’arrivée d’Angélique pour lui donner la commission de ta part de prier sa maîtresse de faire costumer les enfants pour le déjeuner. Je ne sais pas si tu as la corvée de Versailles aujourd’hui mais il ne faut pas, dans tous les cas, que tu oublies que tu sers de témoin au mariage de la bonne et charmante Léonie Parfait [4]. Après cela s’il te reste du temps dont tu ne saches que faire tu pourras le consacrer à des fondations pieuses, comme le brave César de Bazan [5]. Moi je consacre ce qui me reste de ce papier blanc à t’aimer de toutes les forces de mon corps, de mon cœur et de mon âme.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 90
Transcription de Chantal Brière