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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 août [1841], dimanche soir, 5 h. ½

Je vous aime mon cher petit goreta, je vous adore mon beau petit cochon, je suis folle de vous mon charmant petit sanglier domestique. Je suis seule et je crois que je resterai seule à l’exception de la mère de Mme Guérard que j’ai retenue de force à dîner pour qu’il ne soit pas dit que je passe tout mon dimanche seule comme une péteuse [1]. Donc j’ai invité cette bonne vieille femme qui venait m’apporter un mot de la part de sa fille pour avoir des places quelconquesb pour voir Ruy-Blas cette semaine, n’importe le jour [2]. Mais comme elle avait plusieurs coursesc à faire elle est repartie pour revenir à l’heure du dîner. Du reste je ne copierai probablement pas aujourd’hui, à moins que ce ne soit ce soir tard. Vous vous êtes assez moqué de moi et de mon travail pour que je vous fasse tirer la langue après et vous forced à avouer que je vous suis TRÈS UTILE.
Je croyais que vous aviez ajouté au moins douze pages à l’histoire de Pécopin en vous voyant écrire à tout bout de champ et pas du tout, il n’y a qu’un pauvre petit paragraphe de rien du tout. C’était bien la peine de faire autant d’esbroufee pour si peu de chose. Pourquoi vous êtes-vous permis de remporter ce que vous avez fait ? Vous mériteriez bien des fameuses calottes, avouez-le [3]. Je ne sais pas pourquoi je vous aime comme ça car enfin vous n’êtes rien moins qu’aimable. Il s’en faut...f


Dimanche soir, 11 h. ½

J’ai été interrompue ici par l’arrivée de la mère Pierceau et j’ai attendu jusqu’à présent pour finir mes compliments. Maintenant il me reste à vous dire que je trouve le temps horriblement long et que je vous désire de toutes mes forces et de toute mon âme. J’ajoute encore que je vous aime furieusement.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 151-152
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « gorret ».
b) « quelconque ».
c) « course ».
d) « forcer ».
e) « essebrouffe ».
f) Phrase interrompue.

Notes

[1En général, le dimanche soir, quelques amies de Juliette Drouet viennent dîner chez elle. Parmi elles Mme Triger, de Mme Guérard, de Mme Besancenot et de Mme Pierceau, et beaucoup plus rarement Mme Krafft.

[2Ruy Blas a été repris à la Porte-Saint-Martin le mercredi précédent, le 11 août 1841, avec Frédérick-Lemaître et Raucourt, pour de nombreuses représentations.

[3Il s’agit de la lettre XXI du Rhin, « Légende du beau Pécopin et de la belle Bauldour ».

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