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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 août [1847], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon petit Toto, bonjour mon cher petit homme, bonjour. Si j’avais pu espérer un seul instant que tu viendrais hier au soir je t’aurais tenu de la bonne bière bien fraîche toute prête. Malheureusement je ne pouvais pas deviner que tu aurais cette bonne pensée et voilà pourquoi tu as trouvé tout à SÈCHE [1] et tout éteint chez moi, ce qui m’a un peu vexée. C’est votre faute aussi car vous pourriez très bien venir tous les dimanches soirs ; pour le temps que vous restez auprès de moi cela ne s’apercevrait pas beaucoup parmi vos visiteurs et cela me ferait un grand plaisir. Hier, mon cher petit bien-aimé, je t’ai vu à peine une heure pour toute la journée, une heure sur vingt-quatre ce n’est guère et tu me dois une fameuse rabibochade aujourd’hui.
Si tu vas à la Chambre aujourd’hui j’irai te chercher et en même temps j’irai savoir ce que devient ma fameuse robe de foulard. Il faut aussi que j’aille chez le médecin avant 2 h. de l’après-midi car hier je n’ai pas pu être prête à temps. Voilà, mon petit Toto, ce que je ferai tantôt si tu vas à la Chambre. Car si tu n’y vas pas je ne sortirai pas pour ne pas avoir la chance de te manquer dans le cas où tu viendrais travailler chez moi.
Tu sais que ce pauvre Fouyou est le plus malheureux des chats de ne pouvoir pas passer huit nuits d’été de suite dans le jardin. Si tu étais bien bon tu te dépêcherais de lui gagner ce congé. Je crois qu’il t’en serait bien reconnaissant et que ta bonne œuvre serait fort goûtée par lui. Mais il faut te hâter pour que ta bonne action ait du [sel  ?]. En attendant, il attend et nous attendons et je t’adore.

Juliette

MVH, α 7956
Transcription de Nicole Savy


2 août [1847], lundi, midi ¾

Je viens de faire une excursion dans mon abricotier et j’y ai cueilli huit abricots dont quatre avortés avant leur entière maturité. Il me paraît évident que ce pauvre arbre est épuisé et qu’il ne tardera pas à rejoindre l’autre. Depuis que j’ai ce jardin tous les arbres y meurent comme par ENCHANTEMENT, je crois que cette maison ne m’est pas heureuse. Tu vas te moquer de moi mais je sens ce que je dis plus que je ne peux l’expliquer. Du reste c’est ma faute car j’aurais dû ne pas quitter cette bonne petite maison dans laquelle mon bonheur ne s’est pas démenti un seul jour pendant les neuf années que je l’ai occupée. Il n’y a pas de moment où je ne la regrette et où je ne me reproche de m’être laisséa tenter par le jardin trompeur. Mon Victor je t’aime, ne te moque pas de mes tendres superstitions car je les crois fondées et j’en ai la preuve dans les préoccupations si constamment tristes de ma pensée. Pardonne-moi de te dire toutes ces choses inutiles puisque tu n’y peux rien et que c’est la conséquence naturelle de ma vie. Plus j’irai en avant et plus la route sera triste et aride. Je ne dois pas m’attendre à autre chose.
Il me semble que je suis injuste en te parlant ainsi parce que je t’afflige sans nécessité. Je voudrais effacer tout ce que je viens de t’écrire et y substituer des paroles de tendresse, de joie et d’amour. Mon Victor ne crois pas ce que je te dis. Je suis heureuse, je te souris, je t’aime. Quand tu viendras je te le prouverai en dépit de tous les présages menteurs qui m’entourent.

Juliette

MVH, α 7957
Transcription de Nicole Savy

a) « laissée ».

Notes

[1La sèche est la « terre qui reste à sec à la basse mer » (GDU).

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