Guernesey, 29 janvier [18]68, mercredi, 8 h. du m[atin]
Je t’ai vu, mon grand bien-aimé. Je suis tranquille pour ta nuit autant que je peux l’être d’après mon calcul et nos conventions sur la signification de ton lever plus ou moins matinal. Je t’ai vu ! Quelle joie et quel bon présage pour toute la journée ! Il m’a semblé même que tu as porté ta main à tes lèvres en regardant de mon côté, ce qui m’a fait tressaillir de bonheur. Que de baisers réels je t’ai envoyésa séance tenante pour ce baiser présumé ! Mais, sois tranquille, je te les redemanderai tous, telle est ma générosité. Je commence à me faire à l’idée de voir massacrer ce pauvre grand Hernani sous mes yeux vendredi prochain. Et puisque ta gloire est tirée, je veux en boire ma part, ne fût-elle que lie icib. Quant à Suzanne, elle est déjà ivre de bonheur à la pensée de revoir Hernani… [1] Avec ce nom fatal, je n’en ai pas finic [2] ! Tel est son chicd de mémoire. La petite Griffone risque son salut tout bonnement avec un empressement digne du paradis… du Théâtre Royal de Guernesey [3]. Moi, je t’adore au septième ciel et sur la terref et autres lieux.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 28
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon]
a) « je t’ai envoyé ».
b) Paul Souchon arrête ici la transcription.
c) « je n’en n’ai pas fini ».
d) « chique ».
e) Louis Guimbaud lit : « Le petit Griffon [...] ».
f) Louis Guimbaud lit : « Moi, je t’adore au septième ciel, sur la terre [...] ».