Guernesey, 26 août 1856, mardi après-midi, 2 h. ½
J’allais t’écrire, mon doux adoré, quand le citoyen Cahaigne m’est tombé sur les bras, où il est resté pendant une grande heure ; voyant qu’il ne s’en allait pas, je me suis décidée à l’inviter à dîner pour demain afin de m’en débarrasser. Peut-être trouveras-tu pour toi le remède pire que n’était le mal pour moi, mais ma foi, c’est bien le moins que chacun en ait sa part en vertu du grand principe LA SOLIDARITÉ. D’ailleurs, pourquoi me laissez-vous toujours seule comme un pauvre chien quelque temps qu’il fasse ? Tout cela combiné d’embêtement carabiné de Cahaigne m’a donné un mal de tête hideux. Si je ne craignais pas de vous manquer quand vous viendrez et de laisser vos manuscritsa à l’abandon sur les tables où vous les avez mis, je sortirais pour me soulager un peu si c’est possible. Si tu allais au bain et que tu y aillesb seul, je ne demanderais pas mieux que de t’y accompagner, mon cher petit homme, mais pour cela, il faut que tu viennes auparavant à la maison. En attendant, je t’aime plus que de toutes mes forces et je te baise de toute mon âme et je ne mets pas de borne à ma MUNE [1].
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16377, f. 222
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette
a) « manuscrit ».
b) « aille ».