19 juillet 1847

19^a juillet [1847], lundi après-midi, 2 h. ½

Que fais-tu mon Toto, où es-tu ? À qui penses-tu ? Et qui aimes-tu ? Moi je fais un tas d’expériences toutes plus ratées les unes que les autres et je pense que les marchands de bon marché sont des attrape-nigauds^b. Je suis chez moi où je sue sang et eau, je t’attends et je t’adore. Tout cela ne te fera pas venir une seconde plus tôt, voilà ce qui m’enrage. J’espère du reste que tout va bien pour toi et que tu trouveras le temps de recevoir M^lle Fargueil et d’aller voir M^lle [Masson [1] ?]. Cette conviction me rafraîchit^b le teint et me donne un moment de joie ineffable.
Voime, voime, croyez–za et pivez te l’eau fous n’irez bas te dravers [2].
Jour Toto, jour mon cher petit o, je tâche d’être très AIMABLE et d’avoir BEAUCOUP d’ESPRIT. Si je n’y réussis pas mieux cela tient à des causes physiques^d et morales indépendantes de ma volonté et au-dessus de mes forces. Tout cela ne m’empêche pas de trouver le temps horriblement long et d’être très vexée de toutes les déconfitures que j’ai éprouvées^e aujourd’hui. Il ne faudrait rien moins que votre arrivée immédiate et la certitude d’une prompte culotte pour me dérider un peu et me faire prendre en patience la perte de ma robe de soie écrue. J’ai le temps, comme vous voyez, de m’ennuyer^f et de bisquer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 162-163
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « 20 ».
b) « attrappes nigauds ».
c) « raffraichis ».
d) « phisiques ».
e) « éprouvé ».
f) « m’ennuier ».