Quand vous êtes longtemps sans me voir – mon cher ange – n’oubliez pas la pauvre femme qui s’ennuie prodigieusement – Écrivez-moi donc aujourd’hui – une bonne et longue lettre – qui m’occupe toute la nuit – et me fasse bien commencer ma journée de demain –
Mon Victor – dans peu de jours nous irons nous renfermer dans notre petite retraite – Tu es bien bon de voir un peu de bonheur – pour toi – dans ce qui me rendra si heureuse – Nous passerons de bons moments, seuls – nous deux – et nous oublierons tout excepté notre amour –
J’ai encore eu aujourd’hui une affaire désagréable – qui m’a occupée une partie de la journée – mais laissons cela. Ton amour, mon Victor, est pour moi une large compensation à toutes ces tracasseries – Il y a une affection tendre et sincère – sur laquelle je puis compter – et une poitrine sur laquelle je puis toujours appuyer ma tête – Tu es tout pour moi – je t’aime, je t’embrasse –
Je ne pourrai pas te voir ce soir. Songe que je serai plus privée que toi – Il faudra m’en aimer davantage d’ici à demain –
Je t’aime, je n’aime que toi –
Juliette
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
En ville
BnF, Mss, NAF 16322, f. 76-77
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette