Guernesey, 26 février 1856, mardi matin, 9 h. ½
Bonjour mon bon petit homme, bonjour qu’on vous dit. Mais je m’aperçois que j’ai ma belle plume neuve qui ne doit servir qu’à COPIRE aussi je m’empresse de la mettre de côté pour prendre celle de ma vile prose. Quoi quea vous en disiez mon amour, c’est tout de même bien triste de vous voir si peu et toujours si occupé. AUTREFOIS vous travailliez autant, sinon davantage, et vous trouviez le temps de m’aimer en action. Maintenant tout votre loisir est donné aux COQCIGRUES [1] Duverdier, à vos Barbes, au loto et AU TROU MADAME [2]. Toutes jouissances très vives, certainement, mais que j’ai le malheur de ne pouvoir pas partager avec vous. Ce regret mélancolique estompe toutes mes pensées d’une sorte de tristesse et imprègne mes gribouillis d’une maussaderie terne peu encourageante pour vous, mon cher petit homme. Aussi, je fais souvent de grands efforts pour percer le nuage gris qui pèse sur mon âme afin de vous montrer les rayons persistants de mon amour. C’est ce que je fais encore ce matin dans le sourire que je vous envoie et le baiser que je vous garde pour tantôt. Mon Toto, je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16377, f. 71
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Chantal Brière
a) « Quoique ».