14 mai 1857

Guernesey, 14 mai 1857, jeudi soir, 8 h. ½

Je crains que tu ne sois venu avant que je ne sois rentrée, mon cher adoré, et que tu ne puisses^a plus revenir ce soir à cause de la FÊTE, ce que je regretterais de toute mon âme car j’ai le plus grand désir de te baiser IN NATURALIBUS [1]. Cependant, mon ineffable bien-aimé, si tu ne peux pas revenir ne t’en tourmente pas et dis-toi que je fais de bonne grâce le sacrifice de mon bonheur personnel à l’amusement et à la joie de ta famille [2]. Et à ce sujet je vous demanderai si on a GOÛTÉ ma galante improvisation et si M^lle Adèle a fait un bon accueil à ma corbeille et à mes fleurs et à mes fruits ? En attendant nous avons été forcées de réintégrer le pauvre petit poulet dans le nid des autres, au moins pour cette nuit, car il n’aurait pas pu aller jusqu’à demain sans s’égosiller tout à fait. Comme il était nuit noire la poule s’est laissée faire mais j’ai grand peur pour le pauvre petit quand elle le verra demain. Du reste il n’y avait pas le choix et nous avons dû aller au plus pressé ce soir quitte à trouver un autre expédient demain matin. Tout cela ne me fait que t’en aimer davantage, mon cher adoré, et je voudrais pouvoir te donner ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 82
Transcription de Chantal Brière

a) « tu ne puisse ».