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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 août [1838], mercredi matin, midi

Bonjour, mon petit homme chéri, il n’est pas encore 11 h. quoiqu’il soit midi à ma pendule. Je me suis levée le plus tard que j’ai pu pour rattrapera le temps perdu de cette nuit et de ce matin. J’ai beaucoup souffert et je souffre toujours. Je ne compte que sur le voyage pour me remettre. Quel dommage qu’il soit si court ! C’est une pauvre petite lichette de bonheur de rien du tout à mettre sur une grande et mortelle année de souffrance et d’ennui. Enfin c’est toujours ça. Ce ne serait qu’un jour, qu’une heure, qu’une minute avec toi que je ne le lâcherais pas pour une éternité de plaisir dont tu ne serais pas. J’ai envoyé la robe de mousseline de laine chez la mère Pierceau afin que si elle a le temps de la faire d’ici à samedi, je puisse la mettre, ça vaudra mieux qu’une robe de toile puisque ça se brosse et que ça ne se chiffonne pas. Du reste, il faut renoncer au chapeau de Mme Krafft, elle n’en a pas d’autre que celui qu’elle m’a envoyé. Nous en achèterons un, le meilleur marché possible, voilà tout. Je t’aime, mon Toto chéri, la petite indisposition qui m’est survenue et le chagrin de ne te voir que quelques minutes tous les jours me rendent irritable et méchante mais je t’aime comme une pauvre petite ourse terrestre [dessinb]. Vous êtes la grande ourse céleste [dessinc], vous brillez au ciel mais vous n’aimez pas votre Juju.

BnF, Mss, NAF 16335, f. 171-172
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain.

a) « rattrapper ».
b) Dessin d’un animal, le museau posé sur le sol :

© Bibliothèque Nationale de France

c) Dessin de la Grande Ourse :

© Bibliothèque Nationale de France

15 août [1838], mercredi soir, 9 h. ¾

Mon bon petit homme, je t’aime, tu es mon adoré. Je voudrais déjà être sur notre impériale galopanta, galopanta, bien loin, bien loin, pour être plus longtemps à revenir. Depuis que tu m’as fait entrevoir la possibilité de jouer dans ta ravissante pièce [1], je suis comme une pauvre somnambule à qui on a fait boire beaucoup de vin de champagne. J’y vois double, j’y vois de la gloire, du bonheur, de l’amour et de l’adoration. Tout cela dans des dimensions gigantesques et impossibles. Je dis impossibles parce que je sens bien que tu ne peux pas m’aimer comme je t’aime et que je ne pourrai jamais quel queb soit mon talent être à la hauteur de ta sublime poésie. Ce n’est pas modestie de ma part car je ne crois pas qu’il y aitc au monde un homme ou une femme capable de jouer tes rôles telsd que tu les as créés dans ton admirable cerveau. Je t’aime, mon Toto, je t’aime, mon petit homme. Tu es mon soleil et ma vie, tu es mon amour et mon âme. Tu es tout et [illis.] bien plus encore. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 173-174
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain
[Guimbaud, Souchon, Massin, Blewer]

a) « galoppant ».
b) « quelque ».
c) « est ».
d) « telles ».

Notes

[1Juliette ne jouera pas le rôle de la Reine : ce sera pour elle une amère désillusion, et le glas définitif de sa carrière d’actrice.

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