Guernesey, 22 juillet [18]73, mardi matin, 4 h. 22 m.
« Car que faire en un gîte à moins que l’on ne songe ? » [1]… à son bien-aimé ?
Voilà pourquoi, mon adoré, je t’envoie mon bonjour aussi matinal et avec mes tendresses toutes fraîches écloses. Dors, mon pauvre grand bien-aimé, pendant que je prie pour toi, que je te souris et que je te bénis. Plus j’y pense et plus je tâte mes forces, mon infatigablea grand petit homme, et plus je suis convaincue qu’il me faut renoncer à nos douces promenades le reste de cette semaine si tu veux sérieusement partir d’ici à cinq ou six jours. Ce n’est pas ma malle qui demande d’aussi longs et d’aussi fatigantsb préparatifs, mais ma maison toute entière à mettre en ordre de façon à pouvoir supporter sans trop en souffrir une absence indéterminée. Pour cela ce n’est pas trop, ce n’est même pas assez de quelques jours d’un travail fastidieux autant qu’éreintant. Toi-même, mon adoré, il faut t’occuper dès à présent des choses que tu veux emporter et diriger Mariette à faire ta malle selon qu’il te convient qu’elle soit faite. Tout cela prend du temps, tu t’en apercevras de reste au moment venu. J’espère te voir ce matin et te demander du manuscrit pour tantôt parce que nous n’avons plus, dans celui que j’ai chez moi, que six pages à collationner, ce qui n’est pas assez pour aujourd’hui. Je te demanderai en même temps si tu veux que je paie de Putron et Valpied avant de partir. Enfin, mon cher petit bien-aimé, je finis mon gribouillis comme je l’ai commencé : en t’adorant.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 222
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette
a) « infatiguable ».
b) « fatiguants ».