Guernesey, 3 juin [18]73, mardi matin, 8 h.
« Je te donne à cette heure penchée sur toi
La chose la meilleure que j’aiea en moi. » [1]
Cher adoré, mon cœur se permet ce plagiat sans aucun scrupule et d’après le fameux principe : on prend son bien où on le trouve. Comment as-tu passé la nuit et comment va ton bobo au côté ? J’espère qu’il n’en estb plus ou presque plus question ? Quantc à moi ce n’est pas un cristal, que j’ai, mais bien des girandoles intérieures, de quoi parer le lustre du nouvel opéra à Paris [2]. C’est un luxe comme un autre et je me le paie largement. J’ai très bien dormi cette nuit, comptant que tu en faisais autant de ton côté ; ai-je eu raison de m’y fier, c’est ce que tu me diras tantôt quand je te verrai. Jusque là je n’ose pas demander pour toi aucune nouvelle dans la crainte de te DISTORBER [3] dans ton dernier coup de collier, je veux dire de génie. Cependant au risque de faire attendre quelque peu ton formidable Quatrevingt-Treize, je ne serais pas fâchée d’avoir pied ou aile de Petit Georges et de Petite Jeanne et de leur famille aujourd’hui. Tant pis si cela vous fâche, môsieu Papapa ! C’est comme ça, na ! En attendant good promenade et froid de loup voilà ce qui nous pend au nez à tous les deux tantôt. Et very good amour TOUT PARTOUT.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 164
Transcription de Maggy Lecomte et Manon Da Costa assistées de Florence Naugrette
a) « ai ».
b) « n’est ».
c) « Quand ».