Guernesey 8 mai [18]73, jeudi matin, 8 h. moins 10
Cher adoré, puis-je me fier à ta joyeuse télégraphie et croire à l’excellence de ta nuit ? J’y suis toute disposée tant j’ai à cœur ton repos et ta santé. Quant à ton bonheur c’est affaire à Dieu qui, jusqu’à présent, fait la sourde oreille à ma prière. Mais mon insuccès ne me décourage pas, au contraire, et j’espère, à force d’amour et d’importunité, lui faire tourner les yeux de ton côté et le forcer à t’amener à la fois ton Petit Victor [1], Petit Georges et Petite Jeanne, leur mère en tête. Puisse ce jour être prochain, je le demande ardemment.
Je viens de donner carte blanche à la jeune du même nom [2], pour s’informer des voies de communication les plus directes et les moins coûteuses par les secondes classes de Paris ici [3]. Quand tu seras renseigné là-dessus, mon trop généreux homme, tu verras à mettre à la disposition de la mère Lanvin l’argent nécessaire pour ce petit voyage promis par toi depuis longtemps déjà. Dans le cas où tu aurais quelques objections à faire, tu es encore à temps puisqu’on n’écrira que lorsque tu auras décidé si cela te convient maintenant. Quant à moi j’ai hâte de voir se résoudre cette situation mi chair mi poisson qui m’est antipathique à divers points de vuea. Mon amour comme ma personne ont besoin de repos. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 127
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « vues »