29 juillet [1846], mercredi après-midi, 1 h. ¾
Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon adoré, bonjour. Je t’aime, et vous ? Il y a un an, je croyais à cette heure-ci passer une bonne soirée avec toi, et le soir, j’étais atrocement déçue, car au lieu d’un bon petit dîner bien gai, je t’avais dans mon lit bien souffrant. Aujourd’hui, je n’aurai pas cette angoisse de te savoir malade mais il n’est pas probable que j’aie une surprise agréable ce soir, en récompense de l’affreuse surprise de l’année passée. Je n’y compte pas, et la preuve c’est que j’ai donnée congé à Suzanne pour toute la journée. Cette fille ne sort pas assez souvent pour que je la prive de sortir sans nécessité un jour de fête [1] !!!!!a Je serai donc toute seule tout à l’heure, et pour toute la journée. Je ne m’en plaindrai pas, au contraire, si tu dois venir passer toutes les heures de ton travail près de moi. Cher adoré, je t’aime. Vous avez oublié mon gribouillis hier au soir, et je ne vous en veux pas car vous étiez bien occupé de votre clef. À ce sujet, je vous dirai que vous avez on ne peut pas mieux fait en venant par la porte cochère. Il faudra toujours faire ainsi quand la même occasion se représentera. Je n’ai pas tant de moments heureux dans ma vie pour que tu m’en retranchesb un seul pour un prétexte aussi absurde que celui de ne pas déranger mon vieux portier dans la nuit. Aussi je compte bien que, quelque [illis.] qui arrive à la serrure ou à la clef, tu viendras toujours, n’importe à quelle heure et n’importe par quelle porte. Baisez-moi. Je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16363, f. 253-254
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette
a) Cinq points d’exclamation.
b) « retranche ».