Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1873 > Février > 14

Guernesey, 14 février [18]73, vendredi matin, 8 h. ¼

Dors, mon grand bien-aimé, dors et que ton sommeil soit traversé par le doux sourire de ton Petit Georges et de ta Petite Jeanne. Ne te réveille qu’au charmant bruissement de leurs baisers sur ton grand front. Dors, pendant que mon âme s’envole à tire-d’aile vers toi. Dors, pendant que je t’adore et que je te bénis. Pour m’empêcher de mâcher mon cœur à vide comme je le fais tous les matins en t’attendant, j’ai improvisé un petit accotoira en vue de ton balcon d’où je peux te gribouiller ma restitus sans crainte de te manquer au passage. Je suis très contente de mon invention qui me permet d’utiliser l’impatience de mes pattes de mouche voulant toujours courir après toi. Mais, comme il faut toujours une ombre au tableau, le mien ce matin est barbouillé de la pensée que tu as dû passer une mauvaise nuit puisque tu n’es pas déjà levé. Puissé-je me tromper, je ne désire que ça. Maintenant que tu es rassuré sur la santé de ton cher fils et que le succès olympien de Marion de Lorme [1] va toujours grandissant, je me permets de me réjouir de l’approche de notre quarantième anniversaire d’amour non interrompu depuis le premier baiser que j’ai reçu de toi jusqu’à ce moment où je t’adore et te bénis. Si tu t’en souviens c’était dans la nuit du 16 au 17 février 1833.
Quant à moi je ne l’ai pas oublié et je voudrais fêter cette chère et sainte date lundi en invitant les bons de Putron si tristes et si humiliés dans ce moment-ci à cause de leur pauvre fille… malade.
Cher adoré, te voilà ! Je te vois ! Quel bonheur ! Tu restes là, malgré le froid, pour me donner plus longtemps la joie de te voir ! Tu [hésites  ? résistes  ?] à t’en aller ! Tu baises mon cher petit gribouillis ! Tu m’envoies un baiser que je te rends au centuple et puis… tu as disparu mais je continue à t’adorer plus fort que jamais.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 43
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
[Pouchain]

a) « acotoir ».

Notes

[1Marion de Lorme a été repris à la Comédie-Française le 10 février.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne