23 avril [1836], samedi matin, 9 h. ¼
Bonjour, mon cher petit bijou, comment vas-tu ? Moi, je t’aime, voilà ce qui est bien sûr. J’ai été un peu malade cette nuit, je me suis relevée deux fois.
Cependant je vais mieux ce matin et je veux prendre ma revanche à mort ce soir.
Je t’aime, toi, va. Je suis dans le ravissement de mon cœur quand je me rappelle ta jolie petite figure et le reste – et QUEL RESTE ! Mon cher petit bien aimé, puisque tu veux bien que je voie le médecin, je ne serais pas fâchée de le consulter le plus tôt possible car depuis trois semaines environ je suis toute souffrante – sans être précisément malade. Ce matin, par exemple, je ne peux pas me tenir sur mon séant des maux d’estomac que j’ai. Et puis je suis nerveuse. Et puis enfin cela agit sur une certaine partie de mon bonheur, ce qui est plus intéressant et plus délicat que le reste. Aussi, je te le répète, je désire consulter le médecin.
Je t’aime, va, je t’aime.
Pauvre petit Toto, tu travailles toujours, et quoique les faïences et les porcelaines soient à très bon marché, il faut enrayer de ce côté-là. Car c’est une conscience de dépenser de l’argent qui te coûte si cher à gagner. C’est bien vrai mon amour. Je ne veux plus dépenser que pour la nécessité. En te ménageant la fatigue et le travail, j’agis pour moi car tu es ma joie et ma vie.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16326, f. 338-339
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa