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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 avril [1836], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher adoré. Comment m’aimes-tu ce matin ?
S’il y a un nom au-dessus de l’amour, s’il y a un mot plus doux et plus charmant pour l’oreille d’un amant que celui-ci : je t’aime, c’est de ce nom, c’est de ce mot, dont je veux me servir car ce que je sens est au-dessus de tout ce que je peux exprimer.
Bonjour, mon pauvre cher bien-aimé. Comment vas-tu, comment vont tes yeux ? Je ne me suis endormie que le plus tard que j’ai pu hier parce que je voulais ne pas laisser une seule miette du bonheur que j’avais eu dans la journée pour le lendemain. C’est une MANNE qu’il faut manger toute fraîche, l’amour étant une autre providence qui ne laisse pas manquer les cœurs qui lui sont tout dévoués. Aussi, j’ai relu ta lettre, lettre à lettre, mot à mot, pour faire durer le bonheur plus longtemps. J’ai senti ton bouquet qui cette fois sentait le Toto. Et puis j’ai senti les baisers que tu avais laissés sur mes lèvres et les baisers sentaient la violette. Ce n’est pas ma faute. Et puis enfin je me suis rappelée toutes les paroles que tu avais dites dans la soirée et sur chacune d’elle j’ai mis autant de baisers qu’elle en pouvait contenir. Et puis j’ai laissé mon cœur débordera sur ton souvenir. Voilà ce que j’ai fait et je ne m’en trouve pas plus mal ce matin. Si tu veux t’en assurer, tu trouveras une Juju adorant son Toto, et en fonds pour lui payer LA PRIME en quelque monnaie que vous la désiriez.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 334-335
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « débordé ».


22 avril [1836], vendredi soir, 8 h. ¾

Je t’aime, ça m’est égal les pots -----… Je ne suis plus au fil de mes idées à présent que vous êtes venu apporter votre jolie figure rayonnante au milieu de moi sans vous inquiéter de l’effet que cela me ferait.
Je disais que je vous aime. Je vous le dis encore et je vous le dirai toujours tant que j’aurai une âme pour vous adorer. Je disais aussi que tous les plats, toutes les soupières, tous les pots, tous les oiseaux, toutes les fleurs et tous les Chinois du globe terrestre et autres ne valent pas l’ongle de ton petit doigt et que je suis toute prête à vendre tout mon saint saint-Frusquin pour passer cette nuit avec toi.
Mon cher petit homme adoré, vous vous êtes enfui bien vite : heureusement que mon cœur court plus vite que vous et qu’il vous a déjà rattrapé. Si vous étiez bien charmant, vous vous laisseriez ramener par lui et nous finirions joyeusement la soirée.
Que je t’aime, toi. Tu n’y fais pas attention parce que je ne sais pas bien te le dire, et cependant jamais amour ne fut plus ardent, plus sincère et plus concentré que le mien. Je t’aime, je te dis. Je n’ai de joie que lorsque tu es devant moi. Toi absent, je ne désire que toi, toi toujours toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 336-337
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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